24 avril 2024 Publication

Mise en gestion durable de la forêt française privée

  • Claire Hubert

Les forêts françaises subissent les conséquences du changement climatique de façon plus rapide que prévu et leur puits carbone baisse régulièrement depuis 2010. Alors que les forêts privées constituent 75% de la superficie des forêts de l’hexagone, seulement un peu moins d’un tiers de leur surface fait l’objet d’un document de gestion durable permettant un diagnostic et des mesures d’adaptation. Une mission inter inspections a formulé des propositions pour promouvoir et mettre en œuvre une gestion durable de la forêt privée française.

bandeau de la Lettre du Conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) n°183 avril 2024

Rapport de mission interministérielle de conseil n° 23080

Mars 2024

Enjeux

Le renouvellement des forêts françaises doit être accéléré pour les adapter au climat de la France à l’horizon 2100. Les forêts privées couvrent 13 millions d’hectares, soit 75 % de la superficie des forêts de l’hexagone, et sont détenues par 3,5 millions de propriétaires. Toutefois, seules 27 % des superficies de forêts privées font l’objet d’un document de gestion durable et cette proportion est stable depuis 40 ans.

Renouveler la forêt française impose de développer une politique forestière de long terme, cohérente avec les enjeux du secteur en matière d’approvisionnement de la filière bois, de protection de la biodiversité, de prévention des incendies comme d’atteinte des objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ainsi que de réduction du déficit commercial de la France dans ce domaine.

Méthodologie

Les membres de la mission ont lu et analysé l’ensemble des rapports récents produits sur la gestion de la forêt privée ainsi que les résultats des enquêtes effectuées auprès des propriétaires. Ils se sont appuyés sur un parangonnage européen réalisé par la direction générale du trésor et ont également auditionné les acteurs de la filière pour faire émerger les pistes de changements possibles en tenant compte des réalités régionales.

Résumé

La mission formule plusieurs propositions opérationnelles.

La question à traiter en priorité est celle du cadastre, jugé défaillant par de nombreux acteurs. La mission conclut qu’en ce qui concerne les parcelles actuellement déclarées en forêt, le cadastre peut présenter des insuffisances locales spécifiques mais est globalement fiable. En revanche, un écart de 3,6 millions d’hectares existe entre les forêts privées identifiées par l’IGN et les forêts privées figurant au cadastre. La mission recommande que la DGFiP utilise les données de l’IGN sur la nature boisée ou non des parcelles pour mettre à jour le cadastre. Cette actualisation du cadastre devrait permettre d’augmenter les superficies en forêt dans le cadastre et donc les surfaces à mettre en gestion.

La mission déconseille de rendre les documents de gestion durable obligatoires pour des propriétés d’une taille inférieure à vingt hectares, ce qui n’augmenterait pas la mise en gestion. En effet, leur taille trop faible ne permet pas à leurs propriétaires d’accéder au marché du bois et aux entreprises de travaux dans des conditions de prix satisfaisantes. Cette mesure génèrerait donc des coûts que les propriétaires ne pourraient pas valoriser. La mission propose donc de renforcer l’animation territoriale dans 50 départements prioritaires afin d’encourager la création d’associations syndicales libres de gestion forestière (ASLGF) qui, en comparaison avec les propriétaires individuels, auraient un accès facilité au marché. Ces ASLGF seraient fondées sur une adhésion volontaire des propriétaires. Au moyen d’un appel à projets associant les collectivités territoriales, l’objectif serait d’accompagner la création, en dix ans, de cinq à huit ASLGF dans au moins 50 départements. En complément, les techniciens pourraient proposer aux propriétaires forestiers l’élaboration d’un plan simple de gestion concerté.

Les gains à retirer d’un regroupement de la mise en gestion semblent plus importants que ceux à attendre d’un remembrement. Néanmoins, la mission recommande de faciliter par diverses mesures le regroupement du foncier : modifier le droit de préférence au profit de propriétaires de forêts déjà gérées de manière durable, étudier l’interdiction des divisions de parcelles en-deçà d’une valeur seuil et de conditionner les avantages fiscaux et les aides publiques à la fusion de parcelles contiguës détenues par un même propriétaire.

De plus, la mission propose que, lors des héritages, donations, ou ventes de forêts, les « nouveaux » propriétaires se voient remettre par leur notaire une brochure, établie par l’État, les invitant à contacter les gestionnaires forestiers et le CNPF afin de mettre en gestion durable leurs forêts.

Enfin, la mission recommande que le Premier ministre responsabilise les préfets de région dans l’atteinte des objectifs en matière de gestion de la forêt privée, dans le cadre de la mise en œuvre régionale de la planification écologique et de la politique forestière.

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