Les co-produits, une ressource précieuse pour les biotechnologies marines
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La mer est une mine d'or pour le secteur des biotechnologies. Les industries de la cosmétique, de l'agroalimentaire et de la santé se mobilisent pour explorer cette immense biodiversité qui constitue un potentiel certain en termes d'innovation et de retombées économiques. Dans cette quête des océans, les entreprises du Grand Ouest ont une belle carte à jouer. Rencontre avec Alexis Méhaignerie, fondateur d'Abyss'Ingredients.
Basée à Caudan dans le Morbihan, Abyss'Ingredients a vu le jour en 2004 dans l'institut technique de développement des produits de la mer (IDmer) avant de prendre son indépendance en 2012. « Nous créons des ingrédients santé dédiés au marché du bien-vieillir pour nos clients, les laboratoires pharmaceutiques », explique Alexis Méhaignerie.
Spécialisée dans la valorisation des co-produits de la pêche, Abyss'Ingredients extrait des peaux, têtes, arêtes, écailles et cartilages les molécules bénéfiques pour la santé de l'homme et de l'animal. « Nous nous approvisionnons uniquement dans les ports de pêche et chez les mareyeurs du sud de la Bretagne », souligne Alexis Méhaignerie. L'équipe sillonne les ports du Guilvinec, de Concarneau, de Saint Guénolé et de Lorient à la recherche d'une bonne matière première lui permettant d'extraire le principe actif qui sera ensuite formulé par le laboratoire client.
Fin 2015, Abyss’Ingrédients lance son projet Brain Booster, qui vise à mettre au point un ingrédient innovant à partir du co-produit de la sardine. L'entreprise obtient une aide au partenariat technologique (APT) financée par le Ministère de l'agriculture et de l'alimentation et délivrée par Bpifrance dans le cadre du partenariat visant à promouvoir et soutenir l'innovation dans les entreprises agroalimentaires. L'année suivante, elle reçoit le financement du Fond Unique Interministériel (FUI) pour développer ce projet. « Nous travaillons sur deux axes : la mémoire et la vitalité », souligne Alexis Méhaignerie, porteur du projet. La molécule identifiée permettrait d'améliorer la santé cognitive des seniors et de retarder les effets délétères du vieillissement aussi bien chez l'homme que chez l'animal de compagnie. « Nous avons réussi à fédérer autour de ce projet deux autres entreprises : le groupe Chancerelle qui nous fournit la matière première et Diana Pet Food pour l'application santé-nutrition du chien et du chat vieillissant », poursuit Alexis Méhaignerie. Le coût du projet - 2,7 millions d'euros - est en partie financé par le FUI (1 million d'euros). « Ce fond a été pour nous un levier très fort en termes de reconnaissance, de moyens et d'ambition».
Pour extraire le composé actif des sardines, Abyss'Ingredients utilise un procédé d'hydrolyse enzymatique. « Cela ressemble un peu à la fabrication d'une soupe de poissons », sourit Alexis Méhaignerie. « Les grosses molécules sont réduites en de plus petites que nous pouvons ensuite sélectionner. À la fin, nous obtenons un liquide qui est filtré, puis séché et commercialisé sous forme de poudre ». 20 kg de matières premières sont nécessaires pour obtenir un seul 1 kg d'extrait sous forme de poudre.
Deux universités se sont associées au projet. Le laboratoire de la mer de l'Université de Brest travaille sur l'optimisation de l'extraction, sa caractérisation et la stabilité du produit obtenu. L'Université de Bordeaux-INRA s'occupe de l'aspect scientifique et clinique du projet. « Nous sommes dans les clous par rapport à notre timing. Nous avons déjà obtenu des premiers extraits et nous sommes en train de les tester sur des tissus cellulaires », prévient Alexis Méhaignerie. « L'étude clinique commencera l'an prochain et nous permettra de vendre notre ingrédient sur le marché avec la preuve de son efficacité. Pour le moment, les résultats des analyses sur cellules sont très encourageants», conclut-il.
Le marché du bien-vieillir est un secteur en forte croissance. Selon l'INSEE, en 2050, 1 personne sur 3 aura plus de 60 ans.