17 novembre 2023 Publication

L’adaptation de la Camargue au changement climatique - Améliorer la gouvernance pour prendre en charge les dérèglements

  • Bruno CINOTTI (IGEDD)
  • Bruno DEPRESLE (IGEDD)
  • Christophe PATIER (CGAAER)

La Camargue existera-t-elle encore en 2100 ? une mission conjointe de l’IGEDD et du CGAAER aborde cette question sous l’angle de la gouvernance de la gestion de l’eau et des espaces naturels.

Paysage de Camargue
Christophe Patier

Enjeux

Le changement climatique provoque en Camargue l’élévation du niveau de la mer et amplifie les menaces de submersion et de recul du trait de côte, les remontées salines, le décalage saisonnier des précipitations, les sécheresses et la baisse du débit du Rhône dont le risque de crue reste cependant constant. L’aggravation de cette situation est inscrite dans les prévisions climatiques jusqu’en 2100.

La gestion des eaux est au cœur des conflits d’usages, caractérisés par la confrontation entre activités traditionnelles et préoccupations environnementales. L’évolution du climat pèse d’ores et déjà, notamment lors d’événements critiques, sur l’agriculture (viticulture, riziculture, élevage), la pêche, la chasse, le tourisme ainsi que sur la conservation des milieux naturels et l’occupation du territoire.

Une mission interministérielle (CGAAER, IGEDD) a été chargée d’étudier la question sous l’angle de la gouvernance de la gestion de l’eau et des espaces naturels.

Méthodologie

La mission interministérielle était composée de Bruno CINOTTI et Bruno DEPRESLE de l’IGEDD et de Christophe PATIER du CGAAER. Elle a passé en revue les études sur le changement climatique en Camargue. Elle a rencontré sur place la plupart des acteurs concernés et s’est nourrie des réflexions engagées par les directions départementales des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône et du Gard.

Résumé

L’élévation du niveau de la mer est susceptible d’atteindre entre 63 et 102 cm sur le littoral camarguais d’ici 2100, avec une accélération de l’élévation après 2050. Le delta du Rhône est d’ores et déjà affecté par ses conséquences. Les agglomérations des Saintes-Maries-de-la-Mer et du Grau-du-Roi sont menacées par l’érosion des fonds marins et du trait de côte. Le risque de submersion à marée haute lors des tempêtes concernera une grande partie du delta à la fin du siècle.

Conjuguée à la diminution du débit du Rhône et des volumes d’eau douce issus de la riziculture ainsi qu’à l’augmentation de l’évapotranspiration, l’élévation du niveau de la mer exposera davantage les terres basses et le fleuve aux remontées salines, affectant les cultures, l’élevage et l’approvisionnement en eau potable. Les étangs dont le niveau moyen est inférieur à celui de la mer voient leur salinité s’accroitre avec la réduction des périodes permettant leur écoulement vers la mer et l’absence du lessivage par les inondations. Celles-ci restent néanmoins menaçantes alors que l’achèvement du plan de protection contre le Rhône soulève des interrogations sur le rapport entre ses coûts et ses bénéfices.
Ces constats ne signifient pas, sur le fondement des projections tirées des connaissances actuelles, que l’occupation humaine de la Camargue deviendra impossible d’ici 2100. L’adaptation au changement climatique fait l’objet d’initiatives bien que les différents usagers du territoire n’en anticipent les impératifs qu’en fonction de l’horizon de leurs préoccupations, rarement à long terme.

La mission formule donc des recommandations pour :

  • Organiser la gestion de l’eau douce pour lutter contre la salinisation des terres et des étangs et la mortalité du vignoble dans le Gard ; accompagner les acteurs agricoles dans leur transition agro-écologique, incluant la maitrise des intrants et de l’irrigation.
  • Rétablir, avec la Région PACA, un fonctionnement du parc naturel régional favorisant la confiance des acteurs, constituer une conférence interdépartementale des élus de Camargue pour créer les conditions d’un dialogue entre toutes les collectivités et une commission locale de l’eau pour la Grande Camargue, voire mettre en place un SAGE pour une gestion concertée de l’eau douce.
  • Assurer la défense des agglomérations des Saintes-Maries-de-la-Mer et du Grau-du-Roi sans privilégier systématiquement les dispositifs de protection, et les inciter à demander leur inscription sur la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et d’aménagement doit être adaptée à l’érosion du littoral.
  • Réexaminer les modalités du « décorsetage » du petit Rhône en rive gauche, concentrer les actions de protection contre la mer sur les sites portant le plus d’enjeux, après des analyses multicritères revues, et vérifier la soutenabilité budgétaire des programme d’investissement au regard des coûts d’entretien des ouvrages.
  • Etudier la possibilité de transférer aux Salins du Midi les eaux des étangs surchargées en sel.

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