27 septembre 2021 Publication

Devenir de la tourbière de Baupte dans le département de la Manche

  • Frédéric André

Le CGAAER et le CGEDD ont été chargés de conduire une mission d’écoute des acteurs impliqués dans le devenir de la tourbière de Baupte, dans le département de la Manche, en vue de dégager un scénario partagé.

Tourbière de la Baupte
Ikmo-ned

Rapport de mission interministérielle d’expertise et de conseil n° 20086

Juillet 2021

Mots-clés : Tourbière, biodiversité, effet de serre, renaturation, remontée d’eau, pâturage

Enjeux

La tourbière de Baupte, qui s’étend sur plus de 600 ha, est exploitée industriellement depuis 1947. Elle fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’autorisation valide jusqu’en décembre 2026. Cette exploitation a conduit à un tassement des sols et à la minéralisation de la tourbière, désormais émettrice nette de gaz à effet de serre, alors qu’une tourbière non dégradée fonctionne a contrario comme un « puits carbone ».

L’arrêt de l’exploitation de la tourbe et la renaturation du site, souhaitables du point de vue de la lutte contre le changement climatique, impliqueraient l’arrêt par l’industriel des pompages de rabattement de la nappe qui l’accompagnent. La remontée des eaux consécutive à cet arrêt entraînerait la submersion d’environ 300 ha de pâtures qui seraient perdus pour les éleveurs laitiers voisins. Elle causerait également la destruction d’une biodiversité terrestre.

Le CGAAER et le CGEDD ont été chargés de conduire une mission d’écoute des acteurs impliqués dans le devenir de la tourbière en vue de dégager un scénario partagé. Cette question, en discussion depuis 2010, n’a pas abouti au cours des dix dernières années.

Méthodologie

La mission était composée de Christophe Viret du CGEDD et de Frédéric André du CGAAER.

Elle s’est déroulée de décembre 2020 à mai 2021 et a auditionné toutes les parties prenantes (agriculteurs, industriels, collectivités, associations environnementales, chasseurs, Parc naturel régional-PNR), les structures locales gestionnaires des marais, ainsi que les services départementaux, régionaux et nationaux de l’État. Elle a élargi ses auditions à d’autres sites comparables susceptibles d’avoir mis en place des solutions consensuelles pouvant faire l’objet d’une adaptation au cas particulier de Baupte.

Sur cette base, la mission a proposé une méthode et un calendrier de travail qui ont été soumis à validation des parties prenantes.

Résumé

Située au cœur du parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin, la tourbière de Baupte est exploitée industriellement depuis plus de 70 ans. L’autorisation d’exploitation actuelle prendra fin en 2026.

Cette exploitation a été rendue possible par un dispositif de pompage estival qui a eu pour résultat de dégrader fortement les qualités écologiques de cette tourbière et d’induire un tassement des sols concernant environ 300 ha d’herbages en périphérie. Ces terres agricoles seraient totalement ou partiellement ennoyées en cas d’arrêt de l’exploitation.

Par ailleurs, cette zone présente un intérêt écologique majeur et constitue un spot de biodiversité ornithologique tant pour les espèces nicheuses que pour les grands migrateurs.

Depuis dix ans, plusieurs tentatives pour imaginer un devenir à ce site ont été engagées sans qu’un accord ait été trouvé entre les acteurs locaux dont les intérêts divergent.

Après avoir entendu les parties prenantes, la mission a pu proposer une méthode de travail et un calendrier pour anticiper les conséquences d’un arrêt d’exploitation intégrant les enjeux agricoles et écologiques. Trois conditions préalables de réussite ont été identifiées par la mission :

  • Adopter, comme horizon de travail, l’arrêt d’exploitation de la tourbière en 2026 ;
  • Mettre en place un comité restreint et permanent du pilotage de la démarche ;
  • Mandater et légitimer le PNR comme animateur et porteur du plan d’action, organisé en plusieurs chantiers.

Les chantiers à mettre en œuvre, élaborés avec les acteurs locaux, sont les suivants :

  • Définir un plan d’accompagnement des éleveurs concernés, devant aller au-delà d’une simple compensation de surface, en définissant avec chacun d’eux une stratégie d’exploitation à dix ans ; ce chantier est prioritaire.
  • Élaborer une stratégie d’acquisition foncière des marais communaux qui seront ennoyés.
  • Concevoir une véritable stratégie scientifique pour ce site, qui doit s’articuler avec les autres zones d’intérêt écologique majeur du PNR et devra déterminer notamment la stratégie optimale de gestion du niveau de remontée des eaux.
  • Initier, sur la base de ces travaux, une démarche de valorisation territoriale de ce site autour du concept de tourisme de nature.
  • Préparer la fin de l’exploitation industrielle du site, en révisant, le cas échéant, les modalités de fin d’activité.
  • Réunir une conférence des financeurs pour initier et animer la démarche, conduire les premières études agricoles et mobiliser les cadres financiers européen, nationaux et régionaux.

Cette méthode de travail et ces chantiers ont recueilli l’assentiment de toutes les parties prenantes lors d’une réunion présidée par le préfet de la Manche, chacune des parties comprenant l’urgence qu’il y a à anticiper l’arrêt d’exploitation. Le processus doit être enclenché avant l’automne 2021 pour engager le chantier agriculture, initier la dynamique de travail et mobiliser les partenaires financiers potentiels identifiés par la mission.

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