26 janvier 2018 Publication

La réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques

  • Didier Guériaux
  • Robert Tessier

Une mission interministérielle a été chargée d'étudier la mise en œuvre de l'élimination progressive des produits phytopharmaceutiques annoncée par le Président de la République

© Pascal Xicluna/Min.Agri.Fr

Rapport de mission interministérielle d'expertise et de conseil n° 17096 IGAS-CGEDD-CGAAER

Décembre 2017

Mots clés : produits phytosanitaires, réduction, Écophyto

Enjeux

Premier pays agricole d'Europe, la France est le deuxième État membre consommateur de produits phytopharmaceutiques en volume.

L’utilisation des produits phytosanitaires constitue aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique. Les différentes études publiées mettent en évidence des augmentations de risque significatives pour plusieurs pathologies en lien avec l’exposition des travailleurs et de leurs familles, ainsi que pour le développement du fœtus et la petite enfance lors d’expositions au cours de la période prénatale et périnatale. Plus largement, l’ensemble des consommateurs est potentiellement concerné par les dangers que peuvent présenter les pesticides.

Leur utilisation constitue aussi un enjeu majeur pour l’environnement. La quasi-généralité des cours d’eau est contaminée et le coût du traitement curatif de l’eau est estimé entre 260 et 360 millions d'euros par an en France. Les insectes pollinisateurs aussi sont menacés par l'utilisation de ces produits.

La mission a été chargée d'étudier la mise en œuvre de l'élimination progressive des produits phytopharmaceutiques annoncée par le Président de la République.

Méthodologie

La mission interministérielle a associé le CGAAER, le CGEDD (Catherine Mir et Alexis Delaunay) et l'IGAS (Clémence Masty-Chastan et Erik Rance).

Le périmètre retenu concerne l’ensemble des usages agricoles des produits phytopharmaceutiques (95 % des tonnages).

La mission a réalisé une large revue bibliographique scientifique, technique et réglementaire complétée par plusieurs dizaines d'entretiens et la rencontre de plus de 170 personnes (Commission européenne, parlementaires français, administrations centrales et régionales, experts dans le domaine de la santé et de l'environnement, associations de victimes de produits phytosanitaires, Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, représentants professionnels et techniques agricoles).

S'étant déroulée en parallèle avec la tenue des États généraux de l'alimentation (EGA), la mission a donné lieu à des contacts avec les présidents des deux ateliers concernés par les produits phytopharmaceutiques (PPP).

A partir de la synthèse des données existantes, une note technique intermédiaire a été produite début octobre, présentant des listes de substances les plus préoccupantes par type d’impact pour les différents publics et milieux, et en considération des tonnages commercialisés.

Le rapport a été remis en décembre 2017 après sa présentation devant le comité des pairs de l'IGAS.

Résumé

Les principales conclusions de la mission sont les suivantes.

Les efforts de recherche sur l’impact des produits phytopharmaceutiques (PPP) doivent être poursuivis, mais le degré des certitudes déjà acquises sur les effets des produits phytosanitaires impose de prendre des mesures fortes et rapides sauf à engager la responsabilité des pouvoirs publics.

Si des réductions d’impact sont nécessaires, la pertinence d’objectifs nationaux en termes de réduction d’utilisation des PPP doit être réaffirmée.

Jusqu’à présent, les mesures prises ne sont pas suffisamment dimensionnées pour permettre de réduire significativement la dépendance aux pesticides de l'agriculture qui se heurte à d’importants freins économiques. Les moyens d’Écophyto et les modes de pilotage adoptés sont sans commune mesure avec l’enjeu et ne permettront pas, en l’état, d’impulser une dynamique suffisante pour assurer une transition réelle vers des systèmes alternatifs.

Aussi, même si une véritable prise de conscience commence à se dessiner, le paradigme est encore celui d’un aménagement des pratiques actuelles et pas celui d’une transition réelle vers un nouveau système.

A minima, des aménagements à Écophyto 2 sont nécessaires mais ceux-ci ne suffiront pas à accompagner la transition structurelle qui doit être opérée : d’autres leviers que ceux prévus actuellement doivent être activés.

Les outils existent pour diminuer rapidement l’usage d’un certain nombre de produits phytosanitaires en agriculture, car le panel des alternatives à mettre en œuvre est pour l’essentiel connu, notamment s’agissant de l’alternative aux herbicides.

Cependant, la lourdeur du processus européen de réexamen des autorisations de mise sur le marché et le caractère naturellement lent des mutations de modèles économiques des exploitations font craindre le risque de ne pas respecter la date de 2025 pour l’atteinte des objectifs d’Écophyto 2 (-50 %).

Il est donc nécessaire de se donner les moyens d’atteindre les objectifs de ce plan tout en prenant, dans l’intervalle, les mesures de sauvegarde et de protection indispensables.

L’objectif fixé ne pourra être obtenu que par l’affirmation au plus haut niveau de l’État d’une détermination sans faille du Gouvernement dans son ensemble à mener ce plan à terme et à utiliser pleinement les leviers existants pour le faire, à savoir : la mobilisation des financements publics pour favoriser la transition vers un usage économe, le développement de la filière Agriculture Biologique et la levée des freins existants à la valorisation des produits issus des filières économes en produits phytopharmaceutiques.

Les contrats de filières décidés à l'issue des EGA, en cours d’élaboration par la profession, devraient inclure systématiquement la thématique de la diminution de l’utilisation des pesticides dans cet esprit.

Lien vers le rapport :

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