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27 octobre 2025 Info +

Le patrimoine audiovisuel du ministère, mémoire du monde agricole

Créée au début du XXe siècle pour éduquer et former par l'image animée le monde rural aux dernières techniques agricoles, la cinémathèque du ministère de l’Agriculture, de l'Agro-alimentaire et de la Souveraineté alimentaire s'est sans cesse adaptée aux évolutions technologiques de production et de diffusion audiovisuelles.

Source : La France agricole

  • Je suis Élodie Pasty, je travaille à la délégation à l'information et à la communication au ministère de l'Agriculture, et je suis plus particulièrement en charge notamment de la valorisation du patrimoine audiovisuel du ministère.

    La cinémathèque est créée en 1923 par une loi, sous l'impulsion du ministre de l'Agriculture, Henri Queuille, qui instaure une organisation très précise avec une cinémathèque centrale à Paris, et puis différentes cinémathèques dans les régions agricoles, il y en a à peu près huit, qui elles ont pour mission de diffuser les films produits par le ministère ou qui sont acquis, achetés ou qu'on accueille sous forme de dons. C'est à peu près 3000 films qui ont été produits entre 1910 et les années 2000.

    L'objectif de ces films était d'instruire les habitants des campagnes et des populations agricoles qui étaient, au début du siècle dernier, dans les années 1910-1920, assez peu alphabétisées. Et il y avait une volonté de moderniser l'agriculture pour augmenter les rendements, augmenter le cheptel et adopter des pratiques un petit peu plus modernes.

    Les ingénieurs agronomes, à la demande du ministère, produisaient ces films. Le ministère passait des partenariats avec des maisons de production, je pense notamment à Pathé-Baby, par exemple, à l'époque, ou Gaumont. Donc le ministère rédigeait les scénarios, les ingénieurs agronomes allaient les tourner avec des moyens de sociétés de production. Et ensuite, ces films étaient déposés à la cinémathèque, qui elle reproduisait ces films et les diffusait au sein de son réseau.

    Les agents du ministère, à l'époque, pouvaient sillonner les campagnes avec des petites camionnettes de projection et pouvaient diffuser les films au public. Les projections étaient généralement séquencées, avec des films très pédagogiques où on montrait les pratiques culturales. Comment tailler la vigne, comment bien soigner son cheptel ou ses bœufs, ses cochons... Et puis on avait une partie d'actualité, on montrait les actualités, et une partie plus récréative où on montrait des films de Charlie Chaplin par exemple. Donc en fait, la vocation pédagogique était intégrée à quelque chose d'un petit peu plus global pour faire venir les spectateurs.

    À partir de 1947, la cinémathèque, évidemment, évolue avec son temps, notamment sous l'impulsion d'Armand Chartier, qui prend la tête de la cinémathèque du ministère. Il va développer la vocation de la cinémathèque avec notamment toujours cette vocation pédagogique pour valoriser la modernisation de l'agriculture, mais aussi avec une approche beaucoup plus sociologique sur la condition rurale, la condition des agriculteurs, la manière dont ils vivent et la manière dont ils ressentent leur condition.

    Aujourd'hui, la cinémathèque est intégrée à la délégation à l'information et à la communication. Nous ne produisons plus de films à visée pédagogique, tel que nous le faisions par le passé. Pour autant, nous valorisons toujours nos politiques publiques à travers différents types de contenus qui ont évolué et qui sont adaptés à nos nouveaux canaux de communication : réseaux sociaux, sites Internet. Ce patrimoine audiovisuel, qui a été numérisé grâce à l'Institut national de l'audiovisuel (INA), avec qui nous avons passé un partenariat, est mis à disposition du public pour consultation sur notre plateforme numérique, le MédiaStore. Des sociétés de production peuvent également l'utiliser. Je pense notamment à une production, « Le temps des paysans », avec qui nous avons travaillé. Nous avons mis à leur disposition de courts extraits qui peuvent alimenter de nouvelles productions faites à partir des films d'archives et qui font vivre ce patrimoine et qui le présentent au public.

La cinémathèque, un outil éducatif et populaire

L'enseignement rural par l'image animée naît précocement, dès 1912, porté par l'intérêt pour le développement économique et social des campagnes. Il faut toutefois attendre l'entre-deux-guerres et l'ambition d'Henri Queuille, ministre de l'Agriculture, pour que le cinématographe agricole soit créé par décret en 1923. Innovation pédagogique, le cinéma, alors réservé à une élite urbaine, offre à voir ce qu'un schéma ne parvient pas à montrer et pallie la faible alphabétisation de la population rurale de l'époque. Henri Queuille engage une profonde mutation des campagnes par l'introduction de la mécanisation et l'électrification des villages. La modernisation est l’objet de la « propagande » gouvernementale pour promouvoir l’hygiène, les bonnes pratiques agricoles, l’acquisition de machines...

Une politique volontaire, traduite en plan d'actions, généralise la production de films scientifiques et de fictions plus attrayantes, grâce à des concours d'agronomes-réalisateurs. L'octroi de subventions permet l'équipement des communes rurales en système de projection et la création de cinémathèques en région. Le financement est alors assuré par une taxe sur les paris équestres. Accueillies dans les salles communales ou paroissiales des hameaux les plus isolés, de véritables séances, avec actualités et film d’accompagnement, montrent au public non initié les dernières connaissances scientifiques. Les agents du ministère sillonnent aussi les campagnes en camionnettes équipées de projecteurs.

Le cinématographe agricole est un événement à succès, il joue un rôle considérable pour la modernisation des campagnes. Très vite, il essaime en Europe, les pays échangent leurs productions.

Des films d'auteur pour la reconnaissance du monde rural

L'après-guerre ouvre une nouvelle ère pour la cinémathèque, sous la direction d'Armand Deleule-Chartier. S'il s'agit toujours d'éduquer, la population rurale est davantage scolarisée et familiarisée avec le cinéma, les attentes ont évolué. Fictions et témoignages sont plébiscités par le public.

De grands noms du cinéma comme Georges Rouquier (Farrebique, 1946) ou Dimitri Kirsanoff (Fait divers à Paris, 1949) produisent pour la cinémathèque des longs métrages. Elle devient un tremplin pour de jeunes réalisateurs comme Jacques Doillon, Alain Resnais, Jacques Demy ou Christian Carion. Ils introduiront des thématiques sociales du monde rural : l'exode, l'isolement, la pauvreté… Armand Chartier réalisera de nombreux documentaires louant les bienfaits de la modernisation agricole (Palot, 1947) et du courage des agriculteurs et des femmes de la ruralité. Alors que la télévision anime les foyers, la série Les voix (années 70), rend un hommage émouvant aux femmes rurales pour un large public.

De nos jours, le ministère conserve et valorise son patrimoine audiovisuel. Les productions ont évolué : reportages, animations, clips, stories sont désormais privilégiés pour sensibiliser le public grâce aux réseaux sociaux.

Les films de la cinémathèque et les productions photographiques, numérisés, du ministère de l'Agriculture, de l'Agro-alimentaire et de la Souveraineté alimentaire sont accessibles sur le MédiaStore, notre plateforme audiovisuelle.

La cinémathèque et le Plan Marshall

Programme américain de prêts accordés aux États de l'Europe pour les aider à se reconstruire après la Seconde Guerre mondiale, le Plan Marshall prévoyait la diffusion de documentaires consacrés aux nouvelles techniques agricoles américaines ou européennes. La cinémathèque a la mission de diffuser largement ce fonds de 150 films.