09 juillet 2013 Info +

Quelle évaluation économique pour les services écosystémiques rendus par les prairies en France métropolitaine ?

Philippe Puydarrieux [1], Jérémy Devaux [2]- [3]

Résumé

Les prairies constituent un élément clé du paysage agricole de la plupart des régions françaises et contribuent au bien-être de la population par la fourniture d’une gamme variée de services écosystémiques : alimentation des ruminants et par conséquent qualité des productions animales, support de biodiversité, pollinisation, régulation climatique, régulation de la qualité de l’eau, qualité des paysages, etc. L’évaluation économique de ces différents services révèle l’importance de certains enjeux associés à ces agro-écosystèmes. Pourtant on déplore la tendance régulière à la réduction des surfaces en prairies depuis cinquante ans au profit du maïs fourrage et de cultures de vente financièrement plus attractives. Une meilleure connaissance technique et scientifique de la valeur agronomique et des services écosystémiques rendus par ces agro-écosystèmes permettrait d’éclairer une meilleure orientation des soutiens publics en leur faveur. Cet article fait état de valeurs de référence de certains services écosystémiques rendus par les prairies, en montre les limites et ouvre les perspectives de réflexions à poursuivre.

Mots clés

Prairies, évaluation économique, services cosystémiques, agro-écosystème, monétarisation

Le texte ci-après ne représente pas nécessairement les positions officielles du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. Il n’engage que ses auteurs.

Introduction

Dans la dynamique créée par les travaux du Millenimum Ecosystem Assessment (MEA, 2005) et de The Economics of Ecosystems and Biodiversity (TEEB, 2010), plusieurs pays ont entrepris des travaux d’évaluation des services rendus par les écosystèmes. Ces travaux s’inscrivent pour ces pays dans une perspective de transition écologique : d’une part la valeur de ces services révèle un intérêt économique [4] direct à conserver le bon état des écosystèmes, au-delà des protections réglementaires dont ils font déjà partiellement l’objet ; d’autre part ils représentent un nouvel actif qui intéresse à la fois des États et des acteurs financiers.

Les prairies figurent parmi les types d’écosystèmes les plus étudiés. Le simple fait que l’image de la prairie soit si souvent reprise par l’imagerie publicitaire pour illustrer la qualité des produits alimentaires qui lui sont plus ou moins associés ou encore la quiétude de ces paysages, montre intuitivement que ces espaces concourent directement et significativement au bien-être humain. Les bénéfices tirés de ces écosystèmes découlent des services qu’ils rendent, et que nous pouvons décliner entre les quatre catégories définies par le MEA : services supports, services d’approvisionnement, services de régulation et services culturels (cf. infra). Les services rendus par les prairies relèvent ainsi de ces quatre catégories. Véritable support de biodiversité, les prairies constituent également une ressource alimentaire fondamentale pour les ruminants, indiscutable déterminant de la qualité des productions animales. Par ailleurs, les prairies peuvent contribuer par leur diversité et leur composition floristique à la pollinisation des cultures et à l’hébergement, et plus largement au maintien, d’une faune sauvage diversifiée. Les prairies jouent un rôle majeur dans une multitude de processus de régulation : régulation du climat par la fixation et le stockage de carbone, contribution à la fixation symbiotique de l’azote opérée par les légumineuses très présentes dans ces écosystèmes, régulation de la qualité de l’eau. Enfin, la qualité des paysages de prairies bocagères ou encore d’alpages pâturés confère à ces espaces une valeur esthétique et culturelle très communément partagée.

Pourtant, même si les prairies constituent un élément clé du paysage agricole français dans la plupart des régions (Huygue et al., 2005), leur surface ne cesse de diminuer depuis plus de cinquante ans. Cette situation peut paraître inquiétante au regard de la contribution de ces espaces au bien-être humain. Dans quelle mesure peut-on recourir à l’évaluation économique afin de mieux préserver ces écosystèmes en révélant les enjeux auxquels ils sont associés ? Peut-on fournir des éléments d’évaluation susceptibles de faciliter la prise en compte de bénéfices environnementaux actuellement non-marchands dans les processus décisionnels publics et privés ?

Et, premièrement, qu’entend-on au juste par « prairies » et quels sont les principaux éléments de caractérisation de ces agro-écosystèmes ? Nous aborderons dans un premier temps quelques éléments de définition et de typologie. Nous visiterons ensuite les principaux services rendus par les prairies de France métropolitaine tout en convoquant les évaluations dont nous disposons actuellement afin d’en approcher des valeurs monétaires et de montrer les enjeux associés. Cette partie posera les questions méthodologiques relatives aux processus d’évaluation. Enfin, nous conclurons par une réflexion sur l’utilisation possible des valeurs obtenues et leurs limites.

1. De la définition des prairies à la monétarisation des services rendus par les écosystèmes prairiaux

1.1. Prairie : définition, diversité et tendances

Le terme « prairie », issu du mot latin « prata » (pré) prend d’abord la forme « praierie » dans l’ancien français du Moyen Âge (Thèbes, 1150, éd. G. Raynaud de Lage, 6186). Olivier de Serres parle dès 1600 des « prairies artificielles » (Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, p. 256), puis Duhamel de Monceau utilisera le terme « prairie naturelle » en 1761 (Duhamel du Monceau, Traité de la culture des terres, t., p. 142).

La prairie, sauvage ou cultivée, est principalement composée de graminées et de légumineuses destinées à être pâturées ou fauchées.

Elle est définie comme « une étendue herbacée, exploitable sur plusieurs cycles de défoliation – repousse et destinée à l’alimentation des animaux d’élevage. Ainsi, il en ressort que les surfaces utilisées pour la végétalisation ou ensemencées avec un couvert permettant la protection des sols contre l’érosion ne peuvent être considérées comme des prairies. Il apparaît aussi clairement qu’il ne peut y avoir de prairies sans exploitation et utilisation par des animaux » (Huygues et al., 2005).

Sans exploitation ou utilisation par des animaux, une prairie évolue naturellement, sous nos climats et nos latitudes, vers des landes, des friches puis vers de la forêt.

D’un point de vue agronomique, les grands types de prairies sont caractérisés par leur place vis-à-vis du système de rotation des cultures de l’exploitation agricole, par leur durée d’existence et leur utilisation en alimentation des ruminants domestiques plutôt que par leur composition floristique.

Ainsi, on distingue généralement :

- les prairies non permanentes qui comptent les prairies artificielles et les prairies temporaires ;

- les prairies permanentes, pâturages permanents ou surfaces toujours en herbe (STH). Le règlement (CE) n° 1120/2009 de la Commission du 29 octobre 2009 définit comme « pâturages permanents » les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage, à l’exclusion des superficies mises en jachère » (Art. 2.c.). La notion de « pâturage permanent » ne signifie pas que les terres doivent être nécessairement pâturées. Elles peuvent aussi être fauchées, c’est pourquoi on peut utiliser indifféremment la notion de « prairie permanente ». Ainsi, dès lors qu’elles entrent dans leur sixième année d’existence, les prairies temporaires sont assimilées, du point de vue réglementaire, à des pâturages permanents et doivent être déclarées en tant que tels par l’exploitant.

Tableau 1

Image retirée. [5]

D’un point de vue écologique, on évoque également une classification plus descriptive et non exclusive qui traduit des grands types de milieux, voire de paysages :

- les prairies humides ou pâturages extensifs, souvent très utiles à la régulation du débit des cours d’eau ;

- les prairies bocagères qui peuvent relever des différents types de prairies mentionnés précédemment et qui ont la caractéristique de s’insérer dans un réseau maillé de haies ;

- les estives et alpages qui désignent des pâtures naturelles non semées de montagne utilisées principalement l’été à la période de repousse des herbages d’altitude ;

- les landes et parcours qui définissent des pâturages permanents faiblement productifs dont la valeur fourragère provient non seulement de la strate herbacée mais encore de la strate arbustive et des baies produites. Les caprins peuvent en particulier valoriser des parcours n’offrant aucune ressource herbacée.

Dans cet esprit, Corine Land Cover [6] distingue les prairies, les pelouses et pâturages naturels, les milieux à végétation arbustive diffuse, les landes et broussailles, et les maquis et garrigues.

Encadré 1

Ainsi, le terme générique de « prairies » traduit en fait une grande diversité de milieux, de compositions floristiques et de paysages dépendant principalement des conditions pédo-climatiques et des régimes d’exploitation.

Des différents types de prairies, les pâturages permanents occupent la plus grande part des surfaces.

Tableau 2

Les prairies permanentes couvrent en France métropolitaine une surface d’environ 10 millions d’hectares [7], soit 18 %du territoire national et un tiers de la surface agricole utile en France (Agreste, 2011). On connaît l’importance en matière de biodiversité (Farruggia et al., 2008) de ces espaces à couvert végétal permanent, mais parallèlement on déplore la tendance à la réduction de leur surface depuis cinquante ans au profit du maïs fourrage et de cultures de vente économiquement plus attractives (Michaud et al., 2011).

On constate une perte nette de 3,3 millions d’hectares de prairies permanentes entre 1960 et 2010 et dans le même temps la place occupée par ces écosystèmes dans la surface agricole utile (SAU) passe de 38 %à 34 % . De fait, cette diminution des surfaces en prairies permanentes ne résulte pas exclusivement de l’artificialisation et de l’étalement urbain.

Michaud et al. mentionnent en effet que « cette diminution peut s’expliquer par une très forte disparité entre le soutien public aux cultures et aux prairies mais encore par un déficit de connaissances techniques et scientifiques concernant la valeur agronomique, écologique ou la gestion de prairies permanentes ». Afin de mieux rendre compte de la diversité de la valeur agronomique et de la valeur environnementale des prairies permanentes françaises, un programme CASDAR [8] (Ministère chargé de l’agriculture) a été mis en place en 2008 à l’initiative de l’Institut de l’élevage et de l’INRA pour construire un outil de référence sous la forme d’une typologie des prairies permanentes. Ce travail a abouti à la définition de 19 types de prairies permanentes et d’une clé de détermination basée sur des descripteurs de la végétation et des critères permettant de caractériser la valeur fourragère des prairies ainsi que leur valeur environnementale.

1.2. Les services rendus par les prairies

Les prairies sont des milieux divers et complexes rendant un grand nombre de ser-vices qui contribuent au bien-être humain. Ceux-ci peuvent être répartis entre les quatre grandes catégories définies par le Millenium Ecosystem Assessment (MEA, 2005) :

- les services de prélèvement qui correspondent aux produits obtenus directement de l’écosystème tels la nourriture, les fibres et les énergies ;

- les services de régulation traduisent les bienfaits qui découlent de la régulation des processus liés aux écosystèmes, tels que, par exemple, la régulation du climat, de l’eau et de certaines maladies humaines ;

- les services culturels qui contribuent aux bénéfices immatériels dont l’Homme jouit grâce aux écosystèmes via la réflexion, la récréation, l’esthétisme ou l’enrichissement culturel ;

- les services d’auto-entretien (ou de support), qui sont les services nécessaires à la production de tous les autres services, leur perturbation n’impactant l’Homme qu’indirectement ou sur le long terme.

Tableau 3

Ce classement quelque peu simplificateur a le mérite de la pédagogie et facilite la sensibilisation aux bénéfices multiples et pas nécessairement marchands susceptibles d’être retirés d’un écosystème. À partir de ce cadre général, plusieurs listes de services plus ou moins détaillées ont été proposées (TEEB, 2010a et b ; CICES [9], 2013), la typologie des services écosystémiques étant objet de débats entre experts. On notera en particulier que les différents types de services proposés par le MEA ne peuvent être placés sur un pied d’égalité : les services de régulation peuvent générer des services d’approvisionnement (c’est le cas du service de pollinisation qui est à la base de services de production de biens alimentaires, ou encore du service de régulation de la qualité de l’eau qui est au moins en partie à l’origine du service d’approvisionnement en eau douce) ; les services support ou d’auto-entretien sont nécessaires à tous les autres services. Ainsi, dans une démarche d’évaluation, on distinguera services finaux et services intermédiaires, ce qui permettra de limiter les risques de doubles-comptes.

Tableau 4

Les prairies étant des écosystèmes dont l’existence même résulte de l’activité agricole, les services rendus, et leur niveau de qualité, dépendront étroitement des itinéraires technico-économiques ou des modes de gestion retenus par les exploitants.

Ainsi, par exemple, l’augmentation de la charge bovine à l’hectare de prairie va accroître mécaniquement les quantités d’azote apportées au sol et donc risque d’augmenter les teneurs en nitrate des nappes d’eau souterraines et de réduire de facto la qualité du service de régulation de la qualité de l’eau.

La figure 1 illustre les principaux facteurs de contrôle de la biodiversité prairiale issus des pratiques agricoles choisies par les exploitants. L’identification et la quantification des services rendus par les prairies qui rendent comptent de la biodiversité présente dépendront donc de ces pratiques agricoles.

Figure 1

1.3. L’exercice de monétarisation des services rendus par les écosystèmes

Les services rendus par les prairies ont une valeur et même des valeurs qui peuvent être envisagées de diverses manières (FRB, 2012) : morale, intrinsèque, utilitaire. Dans une approche utilitaire, il peut être mobilisateur de quantifier les services qu’elles apportent. En effet, ces valeurs demeurent généralement méconnues, car la plupart de ces services ne s’échange sur aucun marché et n’a donc pas de prix. L’étude TEEB (2010) a affiché que « l’invisibilité économique des flux de la nature dans l’économie représente un facteur important de la détérioration des écosystèmes et de la perte de biodiversité ». Partant de là, de manière générale, l’évaluation économique des services rendus par les écosystèmes contribuerait à faire reconnaître leur valeur et donc à enrayer la dégradation des écosystèmes.

L’évaluation monétaire (ou monétarisation) des services rendus par ces agro-écosystèmes est une façon de matérialiser leur valeur et par conséquent celle de la biodiversité qui leur sert de support. L’exercice de monétarisation va alors consister à attribuer une valeur monétaire à chacun d’entre eux, à l’exception des services d’auto-entretien. En effet, ces derniers servant à l’expression de tous les autres services, les monétariser aboutirait à des doubles comptes. La traduction en termes monétaires n’est pas toujours aisée, mais elle permet d’agréger une grande diversité des services.

Le but de l’exercice de monétarisation est multiple. Il permettra d’une part la reconnaissance de ces services (dans un contexte où le poids de l’argument économique est souvent déterminant) et, d’autre part, leur prise en compte dans les décisions publiques. L’unité monétaire présente l’avantage majeur de rendre possible la comparaison des valeurs obtenues avec les biens marchands, contribuant en cela à rendre plus explicites les arbitrages auxquels la société doit faire face. Elle permet en particulier de savoir si une décision va potentiellement créer ou détruire de la valeur en termes de fourniture de services par les écosystèmes.

Encadré 2

Les résultats obtenus peuvent être utiles :

- pour les négociations internationales, que ce soit sur la biodiversité, le climat, les matières ou l’eau ;

- pour évaluer les impacts des politiques publiques sur l’environnement, y compris les politiques environnementales comme la gestion des déchets ;

- comme aide à la décision préalable à la mise en œuvre de projets, plans ou programmes d’aménagements ou d’espaces de protection de l’environnement ;

- pour sensibiliser la société civile à l’intérêt de la préservation et de la restauration des écosystèmes et des services écosystémiques.

La valeur monétaire totale d’un bien ou d’un service rendu est la somme d’une série d’éléments de valeurs qui la composent. Ces éléments de valeurs se répartissent en deux grandes catégories :

- les valeurs d’usage du bien ou du service (valeur d’usage direct ou indirect, valeur d’option) ;

- les valeurs de non-usage (valeur de legs, valeur d’existence, valeur d’altruisme).

L’exercice de monétarisation d’un service écosystémique consiste idéalement à évaluer sa valeur monétaire totale (cf. tableau 5). Dans la pratique, il est parfois difficile voire impossible d’accéder de manière directe et même indirecte à certaines composantes de la valeur pour certains services écosystémiques : c’est surtout le cas pour les valeurs de non-usage. Ainsi l’évaluation monétaire des services écosystémiques portent principalement sur la production de valeurs d’usage, qu’ils soient directs (par exemple pour les services d’approvisionnement et pour certains services culturels) ou indirects (comme c’est généralement le cas pour les services de régulation).

Tableau 5

Plusieurs méthodes ont été développées pour traduire les biens et services rendus par les écosystèmes en valeurs monétaires (Vallée, 2011 ; Ash et al., 2011 ; TEEB 2010) et peuvent être regroupées selon les auteurs et les critères de classification retenus en deux ou trois catégories. Nous proposons de retenir la typologie suivante adaptée en partie de l’étude TEEB (cf. tableau 6) :

- les méthodes basées sur le marché ou les coûts. Ces méthodes déduisent la valeur d’un bien environnemental (ou de l’une de ses fonctions) à partir de la valeur de marché pour les services qui font l’objet d’échanges marchands ou des coûts qui seraient engagés pour le remplacer si celui-ci venait à disparaître ou si son fonctionnement venait à être altéré.

- les méthodes des préférences révélées. Ces méthodes révèlent la valeur d’un bien environnemental (ou de l’une de ses fonctions) en utilisant un marché substitut existant permettant de pallier l’absence d’un marché réel sur lequel serait fixé le prix du bien environnemental. Elles comprennent :

- la méthode dite des prix hédoniques, qui consiste en particulier à évaluer sur le marché du logement la prime de prix payée pour bénéficier d’un environnement de meilleure qualité ;

- la méthode des coûts de transport, qui consiste à calculer le coût spécifiquement consenti pour la visite d’un site.

- les méthodes des préférences déclarées. Ces méthodes révèlent la valeur d’un bien environnemental (ou de l’une de ses fonctions) en utilisant un marché substitut fictif qui permet de pallier l’absence d’un marché réel sur lequel serait fixé le prix du bien environnemental. Ces méthodes ont recours à des enquêtes par questionnaires sur le sujet qui fait l’objet de l’évaluation. Il s’agit en particulier des méthodes dites « d’évaluation contingente » ou « d’analyse conjointe ». Ces méthodes délicates à mettre en œuvre font encore l’objet de travaux et recherche, mais se révèlent toutefois particulièrement utiles pour approcher des valeurs de non-usage.

- enfin, si le transfert de valeurs ne constitue pas en soi une méthode d’évaluation, il s’agit d’un moyen rapide et peu coûteux pour éclairer des prises de décisions. Cette méthode consiste à emprunter et transposer des valeurs calculées pour un site donné en mobilisant l’une ou l’autre des méthodes ci-dessus. Dans le cadre d’expertises approfondies, le recours à cette méthode requiert des analyses statistiques importantes afin d’adapter les valeurs utilisées au cas étudié.

Tableau 6

Ces méthodes ont beaucoup progressé au cours des trente dernières années et, dans le domaine de l’évaluation des services écosystémiques, il est aujourd’hui possible d’identifier les méthodes d’évaluation les plus appropriées en fonction du type de service à évaluer et du type de valeur recherchée (valeur d’usage, valeur de non-usage).

Les exercices de monétarisation mobilisent des données existantes et disponibles qui doivent être suffisamment robustes et pertinentes au regard du contexte de l’évaluation (service écosystémique évalué, périmètre d’étude, modalités de gestion de l’écosystème, etc.) et parfois d’hypothèses nécessairement simplificatrices. Le choix de la méthode de monétarisation dépend principalement du service écosystémique évalué et dans certains cas, plusieurs méthodes peuvent être convoquées simultanément et combinées pour approcher les ordres de grandeur les plus pertinents pour l’évaluation.

Les résultats dépendent bien souvent du contexte et des hypothèses dans lesquels ils ont été obtenus. Les valeurs produites doivent donc être systématiquement documentées en précisant la méthode utilisée, le contexte de l’évaluation et les limites qui s’imposent à l’utilisation des valeurs. Ainsi, les valeurs produites pour un service écosystémique prennent généralement la forme d’un intervalle de valeurs qui fournit un ordre de grandeur permettant de hiérarchiser l’importance relative des différents bénéfices produits.

Il est couramment admis par les praticiens de l’évaluation que seule une faible partie de la valeur des bénéfices produits par les services écosystémiques peut être monétarisée.

Par ailleurs, la valeur d’un service peut parfois être révélée par des termes non monétaires : The Economics of Ecosystems and Biodiversity (TEEB, 2010a) illustre par exemple la valeur des services écosystémiques rendus par les récifs coralliens en calculant que quelque 30 millions de personnes vivant en zones côtières et au sein de communautés insulaires sont entièrement dépendants des ressources fondées sur les récifs coralliens comme principal moyen de production alimentaire, de revenu et de moyen de subsistance. On parlera alors plutôt d’évaluation quantitative.

Enfin, comme tous les services écosystémiques rendus par un écosystème ne peuvent donner lieu à une évaluation monétaire (cf. figure 2), la somme de toutes les valeurs obtenues doit être considérée comme une valeur a minima des services rendus par cet écosystème. La lecture des valeurs monétaires produites par les études qui seront citées dans la suite de cet article devra impérativement être faite au prisme de cette considération méthodologique essentielle.

1.4. Les études de monétarisation des services rendus par les prairies

Le Millenium Ecosystem Assessment (MEA, 2005) n’a pas identifié explicitement les prairies parmi les grands types d’écosystèmes étudiés à l’échelle planétaire.

The Economics of Ecosystems and Biodiversity (TEEB, 2010a et b) qui porte principalement sur l’évaluation du coût de l’inaction et à ce titre constitue un référentiel méthodologique conséquent, identifie les prairies dans la liste des 12 biomes étudiés. L’étude ne livre toutefois pas directement une évaluation économique spécifique des différents services écosystémiques fournis par les prairies.

Dans le prolongement de ces grands exercices internationaux, certains États ont réalisé des évaluations nationales de leurs écosystèmes et des services écosystémiques rendus sur leur territoire. Le National Ecosystem Assessment (2011) réalisé au Royaume-Uni en est sans doute en Europe un des plus emblématiques. Il propose une analyse descriptive des services écosystémiques rendus par les prairies semi-naturelles et une expertise des tendances d’évolution de l’importance et de la qualité de ces services. L’Evaluación de los Ecosistemas del Milenio de España (2011) réalisée en Espagne ne traite pas les prairies comme un type d’écosystème en soi mais considère une part importante des pâturages comme un sous-type d’agro-écosystème. L’évaluation économique n’est pas encore réalisée et aucune valeur monétaire établie spécifiquement pour les prairies n’a encore donné lieu à publication dans le cadre de cette évaluation nationale.

La République tchèque a conduit sur la période 2010-2011 un exercice exploratoire d’évaluation portant exclusivement sur les prairies afin de répondre à des questions de politique publique agricole. L’évaluation a révélé une charge potentielle de plus de 950 000 vaches laitières. Cet exercice a distingué neuf types de prairies et s’est intéressé au total à 12 services écosystémiques. Il a combiné évaluation biophysique et évaluation économique pour sept d’entre eux. Les principales valeurs produites dès 2010 portaient sur les services de séquestration du carbone (46 millions d’euros), de régulation de l’érosion (252 millions d’euros) et de récréation (53 millions d’euros). Ainsi, la valeur moyenne agrégée de ces trois services s’élevait à 355 €/ha/an. L’évaluation économique a été complétée en 2011 par la monétarisation des services d’approvisionnement, de régulation des espèces invasives, de régulation de l’eau et de dépollution de l’eau aux nitrates. Sur la base de cette sélection de sept services écosystémiques, la valeur créée par les prairies est évaluée en moyenne à environ 2 600 €/ha/an. Les valeurs produites restent des valeurs a minima, mais les ordres de grandeur sont déjà très significatifs.

Pour le cas français, on peut aujourd’hui avancer quelques éléments chiffrés sur les services écosystémiques rendus par les prairies depuis les travaux menés par le groupe de travail du Centre d’analyse stratégique présidé par Bernard Chevassus-au-Louis en 2009, ayant fait l’objet d’une synthèse dans le rapport Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes (Centre d’analyse stratégique, 2009).

Tableau 7

Figure 3

Ces travaux ont été complétés plus récemment par plusieurs études méthodologiques menées par le Commissariat général au développement durable (CGDD) du Ministère en charge du développement durable et les Agences de l’eau Loire-Bretagne et Artois-Picardie sur les zones humides. Parmi ces études, certaines permettent de chiffrer précisément certains services rendus par les prairies humides. D’autres établissent des chiffrages pour le domaine plus large des zones humides mais qui peuvent également être utilisés pour approcher les services rendus par les prairies humides. Ainsi, l’étude du CGDD de 2011 portant sur le site du Parc Naturel Régional des marais du Cotentin et du Bessin a permis, notamment à travers la réalisation d’une enquête, de chiffrer plusieurs services culturels des zones humides du site. Des prairies humides faisant partie intégrante des zones humides de ce site, les valeurs obtenues à l’hectare pour les zones humides peuvent illustrer, dans une première approche, la diversité et l’importance des services susceptibles d’être rendus par les prairies humides.

On se concentrera dans la suite de l’article sur ces travaux du CAS et du CGDD en raison de leur dimension nationale.

Encadré 3

Encadré 4

2. Vers une évaluation des services fournis par les prairies

Cette partie détaillera chacun des services rendus par les prairies ayant fait l’objet d’un chiffrage. Une distinction sera faite selon que le chiffrage concerne les prairies permanentes (travaux du CAS) ou les prairies humides (travaux du CGDD et des Agences de l’eau Loire-Bretagne et Artois-Picardie).

2.1. Services de régulation

2.1.1. Régulation du climat global

Explicitation du service

Le service de régulation du climat global est évalué sur la base du coût environnemental de la disparition des prairies. Ce coût environnemental est lié en particulier à la modification du profil des émissions de différents gaz (CO2, méthane, oxydes d’azote) dans l’atmosphère qu’elle induirait et comprend :

- l’émission immédiate sous forme de CO2 dans l’atmosphère d’une partie du carbone stocké dans l’écosystème prairial. Si le temps nécessaire au processus de stockage du carbone est long, le déstockage peut au contraire s’avérer très rapide.

- la perte du service de fixation de carbone par les écosystèmes prairiaux dans le futur.

- la diminution des émissions d’oxydes d’azote futures dans le cas où la prairie recevrait d’importants apports d’éléments fertilisants, et des émissions de méthane par les ruminants.

Dans les travaux du CAS et du CGDD, le service de régulation du climat global est évalué par deux éléments : le service de fixation du carbone (carbone fixé par l’action chlorophyllienne) et le service de stockage de carbone (carbone séquestré dans le sol de l’écosystème et les parties aériennes de la végétation). Les autres gaz atmosphériques n’ont pas fait l’objet d’évaluations monétaires spécifiques.

Valeur proposée par le CAS pour les prairies permanentes françaises

L’évaluation des services de fixation et de stockage du carbone dépend directement des stocks de carbone prairiaux susceptibles d’être émis lors du retournement et/ou de la modification des pratiques, et des prévisions concernant la fixation de carbone dans le futur. Sur la base d’une revue de littérature, et après correction par les émissions d’autres gaz à effet de serre [10], le CAS (2009) propose pour les prairies permanentes françaises les estimations suivantes :

- 0,2 à 0,4 tC/ha/an pour la fixation annuelle de carbone par hectare, soit 0,72 à 1,44 tCO2/ha/an [11].

- 70 tC/ha pour le stock de carbone, soit 252 tCO2/ha dont 100 %dans les sols, le stockage dans les parties aériennes étant jugé négligeable.

Pour calculer la valeur actualisée des services de fixation et de stockage, le CAS utilise le taux d’actualisation préconisé dans le rapport Lebègue (2005), soit 4 % , et la trajectoire de la valeur tutélaire de la tonne de carbone du rapport Quinet (CAS, 2008), soit 32 €/tCO2 en 2010, avec une augmentation annuelle de 5,8 %jusqu’en 2030 pour atteindre 100 €/tCO2, puis une augmentation au rythme du taux d’actualisation jusqu’en 2050.

Le service de fixation peut ainsi être valorisé entre 23 et 47 e/ha/an (pour l’année 2008) et le service de stockage peut lui être valorisé à hauteur de 320 €/ha/an (ou 160 €/ha/an en retenant un taux d’actualisation de 2 % ).

Dans le cadre de l’évaluation réalisée par le CGDD sur les zones humides, le service de stockage de carbone rendu par les prairies humides n’a été quantifié que dans le cas des tourbières présentes sur le site étudié.

2.1.2. Régulation de la qualité de l’eau

Explicitation du service

Les prairies jouent un rôle dans l’épuration des eaux en piégeant ou en transformant les éléments nutritifs en excès, les particules fines ainsi que certains polluants, grâce à des processus physiques, géochimiques et biologiques. La capacité épuratoire dépend de plusieurs paramètres dont les caractéristiques physico-chimiques du sol, le type de végétation, la topographie, etc.

Valeur proposée par le CAS pour les prairies permanentes françaises

À l’image du travail réalisé pour la forêt, le CAS se limite aux aspects liés à la qualité physico-chimique de l’eau. S’agissant de prairies permanentes, la valeur retenue est celle produite pour la forêt à savoir 90 €/ha/an.

Cette valeur est obtenue sur la base d’une consommation d’eau annuelle apparente de 100 m3/hab/an. On admet dans un premier temps que ce volume d’eau de qualité provient uniformément de tout type d’écosystème. On peut ainsi estimer, tant pour les forêts que pour les prairies, à 110 m3/ha/an la contribution moyenne de ces écosystèmes à la production d’une eau de qualité.

On notera toutefois qu’en procédant de la sorte, on ne distingue finalement pas les différents écosystèmes si ce n’est par leur emprise spatiale. Il s’agit là d’une limite de l’évaluation à relever.

Le coût de traitement évité étant évalué [12] à 0,40 €/m3, on aboutirait donc à environ 44 €/ha/an. Le CAS propose de doubler cette valeur et de retenir 90 €/ha/an comme valeur de référence. La justification est apportée uniquement pour les forêts et supposée identique pour les prairies permanentes.

La justification du doublement de cette valeur pour les forêts est faite « à dire d’expert » et s’appuie sur quatre facteurs :

- les forêts sont situées dans des zones à plus forte pluviométrie que la moyenne nationale, et contribuent donc de façon accrue au service de régulation de la qualité de l’eau ;

- l’utilisation préférentielle par les distributeurs d’eau de sources de bonne qualité, et donc la contribution plus forte des écosystèmes forestiers au volume d’eau de qualité consommé ;

- l’existence de normes de qualité des eaux brutes destinées à être traitées, qui pousse les traiteurs d’eau vers les ressources de meilleure qualité plus rares et donc valorisant mieux le service rendu par les écosystèmes forestiers ;

- la forte valorisation économique des sources d’eau naturelle non traitée et mise en bouteille.

Valeur proposée par le CGDD pour les prairies humides françaises

Le cas de la Loire bourguignonne de l’étude de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne met en exergue la capacité épuratoire des prairies humides mais, faute de relevés précis sur la zone d’étude, utilise une valeur fournie par les travaux d’Agro transfert en Bretagne pour chiffrer la capacité épuratoire du milieu vis-à-vis des nitrates. Les prairies humides permettent ainsi de dénitrifier 140 kg/ha/an. Avec 16 400 ha de prairies humides sur le secteur de la Loire bourguignonne, l’étude chiffre ainsi à 2 000 tonnes de nitrate par an la capacité épuratoire du site. S’appuyant sur des coûts de réduction de l’azote compris entre 2,7 et 8,30 euros par kg, selon que celui-ci soit appréhendé par des traitements en stations de potabilisation ou par des mesures de réduction des émissions agricoles, l’étude conclut que le service épuratoire des 16 400 ha de prairies humides peut être évalué dans une fourchette allant de 1,2 à 2,2 millions d’euros par an. Rapporté à l’hectare de prairie humide, on obtient une fourchette allant de 70 à 130 €/ha/an.

2.1.3. Protection contre les crues

Explicitation du service

Les prairies peuvent rendre un service de rétention d’eau (effet éponge) couplé à un épandage du débit de crue (effet d’étalement) qui permet une atténuation des crues par une diminution des débits et un étalement dans le temps.

Valeur proposée par le CGDD pour les prairies humides françaises

L’étude menée par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne sur le site de la Loire bourguignonne estime que les zones humides de ce site apportent une capacité de stockage de l’ordre de 500 à 700 millions de m3 et permettent de diminuer la hauteur d’eau de 18 à 50 cm sur la commune de Decize. L’évaluation de ce service est par nature très contingente de la demande et impose, comme c’est le cas ici, d’identifier précisément la zone à protéger, et le risque en l’absence de prairie humide. En l’absence des zones humides, les acteurs locaux pallieraient à cette situation en rendant le même service par un moyen artificiel autre, à savoir la construction d’un barrage écrêteur de crues.

En considérant les coûts d’investissement et d’exploitation du barrage, on obtient une dépense comprise entre 2 et 10 millions d’euros par an. Rapportée à l’hectare, la valeur du service de protection contre les crues est comprise entre 60 et 300 euros.

2.1.4. Pollinisation

Explicitation du service

L’INRA (Le Roux et al., 2008) a montré l’effet bénéfique de la présence de prairies sur les cultures proches, en lien avec le rôle joué par les plantes à fleurs dans la dynamique des populations d’insectes pollinisateurs.

Valeur proposée par le CAS pour les prairies permanentes françaises

Le CAS propose à partir d’une revue de littérature d’évaluer la contribution au service de pollinisation sur la base de 9,5 %de la valeur totale des productions végétales. Le CAS s’appuie pour cela sur une étude récente menée dans le cadre du programme européen ALARM (Gallai et al., 2009) qui est à l’origine d’une estimation du service de pollinisation à l’échelle mondiale pour un montant de 150 milliards d’euros par an (valeur 2005), ce qui correspond à 9,5 %de la valeur totale des productions végétales mondiales. L’application de cette règle de calcul au cas français fournit une valeur de l’ordre de 40 €/ha/an (chiffres 2007). Considérant que la contribution des prairies permanentes au service de pollinisation est très supérieure aux écosystèmes urbains, forestiers, voire aux cultures annuelles, le CAS propose de retenir une valeur de 60 à 80 €/ha/an.

2.2. Services de prélèvement

2.2.1. Produits de l’élevage

Explicitation du service

Les prairies abritent des activités agricoles de pâturage et de fauche.

Valeur proposée par le CGDD pour les prairies humides françaises

Au sein de l’examen bibliographique de 2009 du CGDD regroupant quinze études françaises de valorisation des services rendus par les zones humides, deux mettent en avant un chiffrage sur les usages agricoles rendus possibles par la présence des prairies humides.

La première, réalisée par le bureau d’études AScA en 1999 et intitulée Évaluation des services rendus par les zones humides, étude de cas : la Moyenne Vallée de l’Oise a été effectuée dans le cadre du Programme National de Recherche sur les Zones humides. Pour l’usage agricole des prairies humides, elle chiffre la marge brute dans une fourchette allant de 470 à 800 €/ha/an. La seconde étude portait sur le marais de la Souche et avançait un chiffre de 260 à 820 €/ha/an. La seconde fourchette étant plus large et englobant donc la première, c’est elle qui a été retenue au final pour cette étude.

L’étude de 2010 de l’Agence de l’eau Artois-Picardie présente elle aussi un chiffrage pour ce service. Pour identifier les retombées économiques associées à l’exploitation agraire des prairies humides des quatre sites sélectionnés pour l’étude, le choix a été fait de prendre en compte les revenus de l’agriculture à travers la marge brute moyenne. D’après les données fournies par l’Institut de l’élevage, celle-ci s’inscrit dans une fourchette allant de 1 400 à 2 600 €/ha selon le type d’exploitation. Les valeurs situées au-delà de 1 800 €/ha correspondant à des zones à bon potentiel, non représentatives des zones des sites d’études, il a été décidé de retenir une fourchette plus basse allant de 1 400 à 1 800 €/ha.

Enfin, l’étude de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne de 2011 a elle aussi chiffré ce service. Trois des sept sites étudiés (Loire bourguignonne, Marais breton et Tourbières du Cézallier) contenaient des étendues significatives de prairies humides et ont donc permis une valorisation économique directe des services rendus par ces dernières pour l’agriculture.

Dans le cas du Marais breton, trois approches différentes ont été développées pour le chiffrage du service agricole : valeur de production à l’échelle du milieu, excédent brut à l’échelle de l’exploitation agricole et en considérant la marge brute.

- À l’échelle du milieu : à partir des bilans de la Chambre d’agriculture de Vendée, la production totale d’herbe (fourrage, ensilage et pâturage) des prairies humides du site a pu être évaluée entre 5,6 et 9,7 tonnes de matière sèche (TMS) par ha et par an. À l’aide des prix du fourrage fournis par la Chambre d’agriculture de Loire-Atlantique (entre 45 et 110 euros par TMS), la valeur productive des prairies humides du Marais breton est comprise entre 8 et 16 millions d’euros par an. Rapportée à l’hectare, cette valeur est comprise entre 310 et 630 €/ha.

- À l’échelle de l’exploitation agricole : cette approche a considéré l’excédent brut d’exploitation (EBE), c’est-à-dire la ressource d’exploitation dégagée au cours d’une période après paiement des charges de personnel, comme indicateur permettant de capter la valeur des prairies humides au travers de l’activité agricole. Pour ce faire, l’étude a pris appui sur un travail sur l’évaluation socio-économique des mesures agri-environnementales (MAE) en zones humides dans la région des Pays de la Loire. Basée sur une enquête d’une vingtaine d’exploitations, l’EBE a été chiffré à 290 €/ha.

- La marge brute : pour réaliser l’évaluation économique du service agricole via cette méthode, l’étude se base sur des données de 2000 de l’INRA chiffrant la marge brute des prairies humides (production d’herbe et production de foin) dans une fourchette allant de 280 à 300 €/ha (en euros 2010). On utilise la marge brute pour approcher ici aussi la véritable « plus-value » apportée par les zones humides. Dans ce cas, comme d’ailleurs dans la plupart des exercices de monétarisation, les valeurs obtenues sont très dépendantes du contexte (la marge brute tout comme l’EBE dépend fortement du contexte) et donc les résultats obtenus différeront en fonction du type d’élevage, de l’itinéraire technique retenu, des niveaux de production et des caractéristiques propres au territoire étudié.

Les trois approches ayant servi à donner une valeur monétaire au service agricole rendu par les prairies humides du Marais breton ont abouti à des chiffrages ayant le même ordre de grandeur. Si l’on travaille à l’échelle de l’exploitation agricole, on privilégie l’utilisation de la marge brute ou de l’EBE plutôt que du chiffre d’affaires pour révéler la véritable « contribution » de l’écosystème à la production du service d’approvisionnement. En d’autres termes, il s’agit d’approcher une valeur nette des consommations de facteurs et biens intermédiaires (engrais, semences, travaux réalisés par des tiers, etc.) nécessaires pour assurer la production effective du service par l’écosystème.

De ce fait, la fourchette retenue pour ce service au sein de cette étude s’établit entre 280 et 630 €/ha.

2.3. Services culturels

2.3.1. Chasse

Explicitation du service

Les prairies sont des milieux particulièrement prisés par les chasseurs. Ceci est particulièrement vrai pour les prairies humides, celles-ci abritant du gibier d’eau très caractéristique et particulièrement apprécié.

Valeur proposée par le CAS pour les prairies permanentes françaises

L’estimation de ce service se base sur les calculs établis pour la forêt. Deux modalités de calcul sont utilisées et conduisent à des valeurs très différentes.
Soit la chasse est considérée comme un service d’approvisionnement, auquel cas il est évalué par la valeur marchande du gibier. La valeur du seul gros gibier ramené à l’hectare fournit pour les forêts françaises une valeur de 4 €/ha/an.

Soit la chasse est considérée comme une activité sportive et de loisir et est donc évaluée en tant que service culturel. On approche alors la valeur de ce service à travers l’ensemble des dépenses des chasseurs (équipement, munitions, permis, déplacements, etc.). On estime à environ 2 à 2,5 milliards d’euros 2002 ces dépenses. Rapportées au territoire chassé en France (36,3 millions d’hectares), ces dépenses représentent une moyenne de 55 à 70 €/ha/an. Le CAS estime que la valeur de la fourniture de ce « loisir chasse » se situe certainement au-dessus de cette valeur moyenne.

Valeur proposée par le CGDD pour les prairies permanentes françaises

Grâce à des entretiens avec les fédérations de chasse de la Manche et du Calvados, l’étude 2011 du CGDD a montré que les zones humides sont des lieux privilégiés de chasse, notamment pour le gibier d’eau. Pour estimer ce service, l’étude a considéré les dépenses consenties par ces chasseurs pour pratiquer leur activité. Le raisonnement sous-jacent est que les dépenses sont consenties du fait de la richesse et la beauté du territoire en question. Se basant sur l’enquête CSA « Les chasseurs : qui sont-ils ? » réalisée à l’échelle nationale en 2006, l’étude du CGDD chiffre entre 8,1 et 16,3 millions d’euros le service de chasse fourni par les zones humides du site. Ce qui donne pour ce service une valeur comprise entre 170 et 340 €/ha/an.

Les valeurs du service culturel de la chasse bien qu’utilisant la même méthodologie (dépenses réalisées par les chasseurs) sont supérieures de deux à cinq fois à celles proposées par le CAS. Parmi les éléments qui peuvent expliquer cette différence figure le fait que les prairies humides (et de façon plus générale les zones humides) sont des écosystèmes particulièrement riches en gibier et attirent ainsi davantage de chasseurs.

2.3.2. Valeurs éducative et scientifique

Explicitation du service

La valeur éducative recouvre les potentialités éducatives d’un bien environnemental. Cela comprend par exemple les sentiers éducatifs et les visites de classes scolaires.

La valeur scientifique correspond à l’intérêt du bien environnemental en termes de recherche et d’études. Elle porte sur les unités de recherche qui s’intéressent au bien en-vironnemental considéré, et sur le nombre d’études qui ont été réalisées sur le bien environnemental évalué.

Valeur proposée par le CGDD pour les prairies humides françaises

L’étude menée par le CGDD sur le Parc Naturel des marais du Cotentin et du Bessin a permis un chiffrage des valeurs éducative et scientifique des zones humides du site. Pour mener cette évaluation, l’étude a d’abord envisagé d’utiliser divers indicateurs (nombre d’animateurs temps plein mobilisés, nombre d’études réalisées et de centres de recherche associés, etc.), mais aucun de ceux-ci ne permettait de capter la valeur du service pour ce territoire par manque de données précises. Un transfert de valeurs a donc été utilisé à partir de l’analyse conjointe menée par Birol et al. (2005) sur les zones humides du Cheimaditida (Grèce). Dans cette étude, la recherche et l’éducation avaient été intégrées dans les attributs de l’analyse conjointe. La valeur accordée à une meilleure exploitation des potentialités éducatives et scientifiques du site, notamment par son aménagement avait alors été chiffrée entre 8,2 et 9,20 euros par personne. Appliquée aux zones humides du parc naturel régional, les valeurs éducative et scientifique sont comprises entre 470 000 et 720 000 euros par an. Rapportées à l’hectare, ces valeurs sont comprises entre 10 et 15 euros.

2.3.3. Valeurs esthétique (aménités paysagères) et récréative (promenade et randonnée)

Explicitation du service

La valeur esthétique correspond à l’intérêt paysager du site. Cette valeur est souvent appréhendée à travers les activités récréatives du site. En effet, ces dernières dépendent de l’intérêt paysager, mais également de la présence d’une certaine biodiversité (observation de la nature). Ces activités bénéficient donc de nombreux services rendus par les zones humides, mais ils dépendent également de la présence d’infrastructures anthropiques (voies de communication, aménagement de sites, présence de sentiers de randonnée, etc.).

Valeur proposée par le CAS pour les prairies permanentes françaises

Le CAS n’a pas identifié d’études permettant d’évaluer les aménités paysagères fournies par les écosystèmes prairiaux. Toutefois, compte tenu de l’intérêt présenté par les paysages des bocages et des zones de moyenne montagne, il propose de retenir la valeur obtenue pour la chasse c’est-à-dire 60 €/ha/an.

Valeur proposée par le CGDD pour les prairies humides françaises

L’étude du CGDD sur le parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin a permis de chiffrer la richesse paysagère des zones humides du site ainsi que certaines activités récréatives qui en découlent (promenade et randonnée). Pour ce faire, deux attributs « paysage » et « accès au site » ont été introduits dans l’analyse conjointe qui a été menée sur le site. Le second attribut a permis de distinguer au sein de l’analyse les valeurs propres aux usagers et les valeurs propres aux non-usagers.

Avec un consentement à payer de 10 euros par an pour les usagers et de 16 euros pour les non-usagers [13], on obtient une valorisation comprise entre 14 et 58 millions d’euros sur le site. Rapportée à l’hectare de zones humides, cette valeur est comprise entre 290 et 1 200 euros.

2.3.4. Valeur de non-usage de la biodiversité

Explicitation du service

Si la valeur d’usage de la biodiversité des prairies peut être appréhendée économiquement de manière indirecte par le chiffrage de tous les services auxquels elle contribue, sa valeur de non-usage, c’est-à-dire la valeur d’existence et de legs que les individus lui accordent, doit également être estimée. Le calcul de cette valeur de non-usage ne peut se faire qu’au travers d’enquêtes menées auprès de la population.

Valeur proposée par le CGDD pour les prairies humides françaises

L’analyse conjointe menée dans le cadre de l’étude du CGDD sur le parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin a permis de chiffrer la valeur de non-usage de la biodiversité des zones humides du site. Le questionnaire d’analyse conjointe a été calibré de manière à ne faire aucune référence à un quelconque usage (intérêt pharmaceutique et médicinal, chasse, etc.) et ne citait donc que les espèces rares et protégées. Les résultats obtenus confirment que le seul non-usage a été appréhendé dans cette étude puisque les valeurs obtenues pour les habitants proches sont nulles alors qu’elles sont plus élevées (21 €/personne/an) pour les habitants éloignés (population composée en grande partie de non-usagers). Par ailleurs, le questionnaire et les entretiens ont été construits de manière à révéler précisément les valeurs ; pour y contribuer les moyens de paiement ont été présentés avec réalisme pour éviter autant que possible des déclarations fantaisistes de consentement à payer.

Appliqué à deux cercles de population distincts (de la population habitant dans les limites du Parc à la population du département et des départements voisins de la Basse-Normandie), le non-usage de la biodiversité des zones humides est valorisé dans une fourchette allant de 11 à 43 millions d’euros sur le site, ce qui rapporté à l’hectare de zones humides nous donne une valeur comprise entre 220 et 870 euros.

2.4. Synthèse des résultats de l’évaluation des services rendus par les prairies

Sur la base de la seule évaluation des services de régulation du climat global, de la régulation de la qualité de l’eau, de la pollinisation, de la chasse et des aménités paysagères, le CAS se propose d’avancer une valeur totale a minima de 600 €/ha/an pour des services non marchands rendus par les prairies permanentes.

Pour le cas des prairies humides, d’autres services ont été approchés, notamment les produits de l’élevage et la valeur de non-usage de la biodiversité pour lesquels les valeurs sont très élevées. On obtient ainsi en première approximation une fourchette a minima allant de 1 100 à 4 600 €/ha/an.

Tableau 8

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Quelques remarques peuvent être formulées au regard des services ayant été évalués dans le cadre de ces deux exercices.

Les ordres de grandeurs des résultats obtenus sont très différents pour les services culturels et sont assez semblables dans le cas du service de régulation de la qualité de l’eau.

S’agissant des services culturels, leur évaluation reste dans l’état actuel des connaissances, à la fois délicate et attachée à leur forte dimension contextuelle. La spatialisation des valeurs semble donc plus généralement se dessiner comme un enjeu important pour l’évaluation des services écosystémiques, ainsi que la définition d’un référentiel méthodologique commun aux différents exercices de monétarisation.

Les valeurs produites par le CAS pourraient être affinées et complétées en particulier pour les services n’ayant pas été évalués en 2009. Bien entendu, ce travail ne pourrait qu’augmenter la valeur de 600 €/ha/an.

3. Discussion sur les services quantifiés, les incertitudes et les développements ultérieurs souhaitables

3.1. Différenciation et sensibilité des choix méthodologiques des études CAS et CGDD

Dans son approche des services rendus par les prairies permanentes, le travail du CAS (CAS, 2009) a fait le choix méthodologique de ne pas utiliser les méthodes des préférences déclarées. Les études menées par le CGDD sur les zones humides (CGDD, 2010 ; CGDD, 2011) ont fait le choix inverse afin d’approcher également des valeurs de non-usage pour la biodiversité de ces écosystèmes.

Toutefois, les résultats obtenus par ces méthodes sont sensibles aux conditions de leur mise en œuvre. Ainsi, au-delà de la construction du consentement à payer individuel, les résultats dépendront grandement du nombre d’individus à qui sera imputé ce consentement à payer. Théoriquement, ce facteur d’extrapolation dépend de la zone d’influence du bien environnemental étudié. Empiriquement, il est souvent complexe de déterminer l’étendue exacte de cette zone d’influence. Ainsi, des études ayant recours à la même méthodologie et aboutissant à des consentements à payer individuels relativement proches ne produiront pas au final des valeurs similaires si leurs hypothèses d’extrapolation diffèrent.

De même, la taille du site étudié aura une grande influence sur une valeur de non-usage de la biodiversité rapportée à l’hectare. À zone d’influence égale, plus le site étudié sera petit, plus sa valeur à l’hectare sera élevée.

Ainsi, les travaux de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne sur le marais breton et des tourbières du Cézalliers fournissent des estimations pour le non-usage de la biodiversité différant grandement de celles du CGDD malgré des enquêtes de terrain similaires.

Dans le cas du marais breton, les hypothèses d’extrapolation relativement faibles aboutissent à une valeur comprise entre 0 et 154 €/ha/an. Dans le cas des tourbières du Cézalliers, les hypothèses d’extrapolation et la petite taille du périmètre du site d’étude (seulement 222 ha) aboutissent à un chiffrage compris dans une fourchette très large s’étirant de 450 à 8 100 €/ha/an.

Ces résultats illustrent la difficulté à approcher les valeurs de non-usage de la biodiversité. Toutefois, les écarts entre différentes valeurs peuvent aussi avoir une justification pertinente et être riches d’enseignements en particulier d’ordre socioculturel.

Si toutefois l’on définit les services évalués par l’existence d’un usage (direct, indirect et optionnel), il devient alors légitime comme l’a fait le CAS de ne pas estimer les valeurs de non-usage. Cela permet de distinguer la valeur de la biodiversité et la valeur des ser-vices écosystémiques qui ne traduisent finalement qu’une partie de la valeur économique totale de la biodiversité. Pour les auteurs du rapport de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB, 2012), « il semble que la prise en compte des valeurs de non-usage ne puisse entièrement reposer sur des méthodes économiques et doit impliquer le recours à des modes de traitement spécifique ».

3.2. Enseignements généraux sur les valeurs proposées

De manière générale, le nombre des services quantifiés pour les prairies restent, dans l’état actuel des connaissances, relativement limité. Par ailleurs, les estimations proposées reposent sur bon nombre d’approximations et d’hypothèses. En effet, dans le cas des prairies permanentes, certains chiffrages proposés par le CAS s’appuient sur les calculs effectués pour les forêts. De même, dans le cas des prairies humides, les chiffrages repris dans cet article s’appuient sur les calculs effectués plus largement pour les zones humides.

Comme le souligne le groupe de travail du CAS, les estimations produites ne peuvent être considérées que comme des « ordres de grandeurs ». Il propose le cadre de développements ultérieurs portant d’une part sur la spatialisation des valeurs et sur la prise en compte de la diversité des prairies.

Certains éléments forts ressortent de cette première approche de la valeur des ser-vices rendus par les écosystèmes prairiaux :

- la valeur économique totale de ces services est d’autant plus élevée que le nombre de services évalués est important, les valeurs agrégées étant ainsi des valeurs a minima ;

- la valeur économique totale des biens non marchands issus de ces services est au moins égale, sinon très largement supérieure à celle des biens marchands ;

- la valeur du service de régulation du climat global représente plus de la moitié des services actuellement évalués pour les prairies permanentes ;

- les valeurs produites ont été obtenues par comparaison avec une situation alternative qui consiste le plus souvent ici en la disparition totale du service considéré sur une surface élémentaire de l’écosystème.

Les écosystèmes prairiaux présentent la particularité de dépendre de pratiques agricoles qui impactent sensiblement la quantité et la qualité des services écosystémiques. Aussi, l’évaluation monétaire de ces services produira des résultats très différents selon les itinéraires technico-économiques choisis par les exploitants agricoles. La production et la présentation de valeurs moyennes peut donc poser question.

Dans certains cas, les pratiques agricoles peuvent être tellement différentes que le service écosystémique rendu peut être dans des cas extrêmes fortement valorisé ou au contraire nul voire négatif. À titre d’exemple, on peut citer le cas des prairies de luzerne qui peuvent s’avérer de véritables réservoirs de biodiversité : dans ce cas, le service écosystémique de support de biodiversité sera fortement valorisé. À l’opposé, une prairie de luzerne fauchée quatre fois dans l’année sans mise en œuvre de bandes non fauchées peut devenir un véritable piège à biodiversité et le service écosystémique correspondant évalué par des valeurs négatives.

Afin d’alimenter et de préciser la réflexion sur les relations qui existent entre l’homme et la nature, la notion de « disservices [17] » (aussi appelés « desservices ») a émergé tenant compte de ces effets indésirables. Les disservices désignent ainsi « l’ensemble des risques et nuisances liés aux écosystèmes pour un secteur donné » (Rankovic et al., 2012). De la même façon que les services écosystémiques procurent des bénéfices aux êtres humains, les « disservices écosystémiques » engendrent des coûts ou une diminution du bien-être qui peuvent être de différentes natures : environnementaux, sociaux ou financiers (Rankovic et al., 2007). Cette notion a fait l’objet d’une attention particulière de diverses publications (Swinton et al., 2007 ; Rankovic et al., 2012 ; Zhang et al., 2007) portant sur les services rendus par les écosystèmes agricoles (voir figure 4) et les écosystèmes urbains et sur l’extension de la notion aux secteurs forestiers et de l’aquaculture (Swinton et al., 2007).

Ainsi, Zhang et al. (2007), à travers leurs travaux sur les services et les disservices des écosystèmes agricoles, distinguent les disservices impactant et les disservices provenant des écosystèmes agricoles.

Ainsi dans une perspective objective, l’évaluation des services écosystémiques doit particulièrement s’intéresser aux pratiques mises en œuvre sur l’écosystème étudié compte tenu de leur rôle prépondérant sur le potentiel de services écosystémiques produits. Cet aspect est un enjeu majeur pour l’évaluation des agro-écosystèmes et plus généralement des écosystèmes anthropisés.

Enfin, les valeurs d’usage et d’option dépendent fortement du niveau de demande du service évalué. L’identification et la quantification du niveau de la demande et de ses tendances d’évolution constituent donc un aspect fondamental de l’évaluation de services écosystémiques. Cette approche par la demande de services impose à l’évaluateur d’intégrer deux dimensions importantes à son analyse :

- la première porte sur la spatialisation de la demande et de ses tendances d’évolution qui peuvent être définies dans le cadre de scénarios prospectifs et varier en fonction d’options portant par exemple sur des choix de politiques publiques ;

- la seconde porte sur la capacité de l’écosystème à fournir durablement un certain niveau de service et donc sur la nécessité de définir un niveau de demande qui pourrait qualifier un seuil de pression à ne pas dépasser. Cet enjeu essentiel pourrait être illustré par une très forte demande qui conférerait une valeur monétaire très importante à un service et qui, simultanément, pourrait mettre en péril son maintien dans le temps.

3.3. Utilisation des valeurs produites

Les valeurs produites au niveau international ont jusqu’à présent amélioré la prise de conscience des enjeux liés à la biodiversité et au maintien des services écosystémiques. Les démarches menées au niveau global (MEA, TEEB) ont permis d’initier des démarches d’évaluation plus fines aux niveaux nationaux et infra-nationaux et de lancer quelques études spécifiques à des écosystèmes.

Ces démarches menées à des échelles plus fines devraient permettre d’alimenter à terme la justification de certains instruments financiers incitatifs visant à infléchir des choix de pratiques agricoles plus favorables à la biodiversité et à la qualité des services écosystémiques fournis à la société. Elles doivent permettre de fournir des valeurs plus précises afin de mieux évaluer les impacts que certains plans, programmes ou projets publics ou privés peuvent faire peser sur les services écosystémiques et le bien-être humain.

C’est dans cet esprit et plus précisément pour intégrer la valeur de la biodiversité dans le calcul socio-économique que le CAS a produit une ébauche des premières valeurs de référence des services rendus par les forêts tempérées et les prairies permanentes.

Il s’avère finalement difficile d’utiliser dès maintenant les valeurs produites dans le calcul socio-économique compte tenu du faible nombre de services et d’écosystèmes évalués. Levrel et al. (2012) font remarquer à juste titre que « si des arbitrages sont opérés en défaveur de la biodiversité sur la base d’une estimation partielle de sa valeur, les choix réalisés pourront être considérés comme discutables du point de vue économique ».

La production de valeurs monétaires des services rendus par les écosystèmes peut toutefois se justifier pour répondre à une assez large diversité de besoins (liste indicative) :

- sensibilisation pour une meilleure conservation d’écosystèmes ;

- besoin pour estimer des dommages-intérêts en cas de dommages causés au milieu naturel ;

- besoin pour la puissance publique, d’intégrer dans ses projets d’investissement et d’infrastructures, les coûts en termes de dégradation de l’environnement ;

- besoin d’éclairage ex ante sur les conséquences futures de choix de politiques pu-bliques ;

- besoin d’éclairage sur la hiérarchisation d’enjeux territoriaux.

Si les besoins sont variés, il en est de même des acteurs intéressés. En amont de la démarche d’évaluation, il est essentiel d’identifier clairement l’usage attendu des résultats, l’objectif permettant de choisir l’approche conceptuelle et la méthode d’évaluation.

Enfin, comme le mentionne le CAS (2009), « pour jouer leur rôle, les valeurs de référence doivent être reconnues par les diverses parties prenantes de la gestion d’un territoire comme des références communes permettant d’éclairer des conflits éventuels ou de choisir entre des options alternatives ». Ce constat impose de fonder la construction de valeurs sur « sa légitimité procédurale, c’est-à-dire sur le fait que le processus utilisé pour fixer ces valeurs sera considéré comme satisfaisant par la société, au même titre que l’autorité de la chose jugée repose sur le respect scrupuleux d’un code de procédure adopté démocratiquement ». Ainsi la démarche de production de valeurs doit s’appuyer sur « un processus connu et reconnu » et sur l’identification de « l’échelon territorial adéquat de fixation de telles valeurs ».

3.4. Développements ultérieurs possibles

Les importants travaux de recherche menés sur ces sujets au niveau international ont permis de construire un socle méthodologique solide et des consensus scientifiques se dessinent. Toutefois, des lacunes dans la connaissance et peut-être même certaines controverses persistent et nécessitent des investigations importantes pour mieux appréhender la compréhension des mécanismes fonctionnels des écosystèmes, pour établir également les éventuelles relations qualitatives et quantitatives entre fonctions et services écosystémiques produits. Enfin, on a pu noter au niveau international l’absence quasi-générale de données spatialisées sur l’usage des écosystèmes (c’est particulièrement le cas pour les prairies et les écosystèmes forestiers). Cette lacune rend très difficile la production de valeurs pour certains services écosystémiques dans le cas des agro-écosystèmes.

Dans le prolongement des travaux du CAS, des études complémentaires ont été engagées par le Ministère en charge du développement durable pour approcher des valeurs spatialisées de certains services écosystémiques fournis par les forêts tempérées françaises. Les résultats obtenus confirment la forte variabilité spatiale des valeurs et donc l’intérêt de poursuivre ces travaux visant à affiner les valeurs produites.

Les développements ultérieurs possibles pourraient viser particulièrement à améliorer la robustesse des valeurs produites, leur appropriation par les utilisateurs et donc transformer ces exercices de monétarisation en de véritables outils alimentant les processus d’aide à la décision publique et privée.

Conclusions et perspectives

Les écosystèmes prairiaux français se caractérisent par leur grande diversité. La grande richesse potentielle des services écosystémiques produits contribue au bien-être de la société à travers la production de biens agroalimentaires de qualité, d’aménités paysagères re-connues et de nombreux services de régulation.

L’évaluation économique de ces contributions au bien-être de la société française a fait l’objet de travaux spécifiques du CAS et du CGDD. Ces études ont mobilisé diverses méthodes d’évaluation et montré dans le cas des travaux menés sur les zones humides toute l’importance de combiner plusieurs méthodes afin d’affiner les ordres de grandeurs des valeurs obtenues pour certains services. Il est important également de rappeler que les évaluations évoquées dans l’article mesurent le niveau de service rendu et sa valeur par comparaison avec une situation dans laquelle le même service est supposé ne plus être rendu.

Les principaux résultats obtenus montrent que la valeur économique totale des biens non marchands issus de ces services (particulièrement des services de régulation) est au moins égale, sinon très largement supérieure à celle des biens marchands (issus des services d’approvisionnement et de certains services culturels), ce qui en soi permet de sensibiliser tant les citoyens que les décideurs publics et privés à l’intérêt d’une intervention collective pour préserver ces types d’écosystèmes. Cet enjeu est important du fait de la réduction constante des surfaces en prairies au cours des cinquante dernières années.

Les valeurs obtenues tout en restant des valeurs a minima, compte tenu du nombre limité de services écosystémiques évalués, approchent des ordres de grandeur importants : 600 €/ha/an comme valeur moyenne pour les prairies permanentes et des valeurs comprises entre 1 100 et 4 600 €/ha/an pour les prairies humides qui ont été évaluées. Ces dernières valeurs contribuent à illustrer l’intérêt de ces zones humides, qui comptent actuellement au niveau national parmi les habitats les plus dégradés, et qui pourtant fournissent à la société des services précieux comme la régulation de la qualité de l’eau et la protection contre les crues. L’évaluation économique est alors parfaitement en mesure de contribuer activement à la sensibilisation des agents économiques, dont les décideurs publics, à la préservation de ces écosystèmes.

Actuellement, du fait en particulier du faible nombre de services évalués, plus de la moitié de la valeur des services rendus par les prairies est constituée par le service de régulation du climat global. Ce résultat montre la nécessité de poursuivre les démarches d’évaluation pour un plus grand nombre de services écosystémiques, et pour certains d’entre eux d’affiner les valeurs produites en appréhendant sans doute mieux les valeurs de non-usage comme les valeurs d’existence, de legs ou d’altruisme.

Une plus grande précision quant aux résultats s’impose pour une utilisation plus large et plus fiable des valeurs dans les évaluations des impacts de plans, projets ou programmes privés ou publics ou encore pour l’élaboration d’instruments financiers incitatifs.

Des expertises plus approfondies impliquant en particulier une meilleure approche de la demande de services, devraient permettre de produire des valeurs spatialisées plus précises. Toutefois des questions de recherche émergent afin de compléter nos connaissances sur le fonctionnement des écosystèmes et les relations entre fonctions écologiques et services fournis.

Par ailleurs, cet article a montré et rappelé toute l’importance en particulier dans le cas des agro-écosystèmes, de prendre en compte les modalités de gestion de l’écosystème dans le cadre d’un exercice d’évaluation. De ce point de vue, des travaux supplémentaires seraient à envisager pour produire des données nouvelles autant que possible géoréférencées sur l’usage des écosystèmes. Le méta-programme de recherche de l’INRA portant sur les pratiques et services des écosystèmes anthropisés (agriculture, forêt, eaux) [18] devrait y contribuer puisque ses priorités scientifiques s’articulent autour des quatre axes : (i) identifier et quantifier les services des écosystèmes et leurs valeurs associées, (ii) évaluer le rôle de l’agriculture sur les services rendus par les écosystèmes en faisant la part entre les facteurs naturels et les facteurs anthropiques, (iii) piloter les compromis entre services des écosystèmes à différentes échelles, et (iv) évaluer les services d’écosystèmes à l’échelle des territoires et fournir un appui aux politiques publiques.

Les évaluations de services écosystémiques apparaissent bien aujourd’hui non plus seulement comme un outil de sensibilisation mais aussi et surtout comme un outil potentiel d’arbitrage en appui aux politiques publiques. L’atteinte de cet objectif passera par la construction de procédures d’évaluation connues et reconnues adaptées à l’échelle des territoires étudiés.

Abréviations

ALARM : Assessing LArge scale Risks for biodiversity with tested Methods
CAS : Centre d’analyse stratégique
CASDAR : Compte d’affectation spéciale « développement agricole et rura »
CE : Communauté européenne
CGDD : Commissariat général au développement durable
DOM-COM : Départements d’outre-mer - Collectivités d’outre-mer
INRA : Institut national de la recherche agronomique
MEA : Millenium Ecosystem Assessment
MEDDE : Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
PNR : Parc naturel régional
TEEB : The Economics of Ecosystems and Biodiversity
STH : Surfaces toujours en herbe

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[1] Adjoint au chef de bureau des biens publics globaux au ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (CGDD-SEEIDD).

[2] Chargé de mission « eaux et milieux aquatiques » au bureau de l’évaluation des politiques des risques, de l’eau et des déchets au ministère de l’Écologie du Développement Durable et de l’Énergie (CGDD-SEEIDD).

[3] Les auteurs tiennent à remercier Elen Lemaitre-Curri, Doris Nicklaus, Christine Lagarenne, Xavier Bonnet ainsi que les relecteurs de la revue Notes et Études Socio-économiques pour leurs remarques et conseils dans l’élaboration progressive de cet article. Ils remercient également Aurélien Bruel pour sa contribution à cette réflexion par ses travaux sur les légumineuses.

[4] L’intérêt économique traduit à la fois la valeur des services marchands et la valeur des services non marchands. L’intérêt financier des agents se limite à l’appréciation des services qui font l’objet de coûts et bénéfices monétaires directs ou indirects.

[5] Unité fourragère : unité conventionnelle permettant d’estimer la valeur énergétique d’un fourrage en référence à la valeur énergétique d’un kilogramme d’orge récolté au stade de grain mûr équivalent à 1,65 kcal.

[6] Corine Land Cover (CLC) est une base de données géographiques sur l’occupation des sols à l’échelle 1 : 100 000 construite à partir d’images satellitaires obtenues dans le cadre du programme européen de coordination de l’information sur l’environnement CORINE.

[7] 7,3 millions d’hectares de prairies naturelles ou semées depuis plus de 6 ans et 2,5 millions d’hectares de STH peu productives en 2010 (source : Agreste, 2011).

[8] CASDAR : Compte d’affectation spécial pour le développement agricole et rural.

[9] CICES : Common international classification of ecosystem services, classification élaborée par l’Agence européenne de l’environnement.

[10] Dans le cas des prairies, les émissions de gaz à effets de serre peuvent être notables : c’est le cas des oxydes d’azote qui résultent d’apports d’éléments fertilisants et des émissions de méthane par les ruminants.

[11] En utilisant la conversion 1 tC 3,6 t CO2.

[12] Le rapport de CAS (2009) précise que « le coût de traitement de l’eau est de quelques centimes d’euro par m3 pour une simple filtration mécanique mais qu’il peut atteindre 0,50 euro/m3 pour des techniques complexes » (Corisco-Perez, 2006). Il propose donc à dire d’expert de retenir la valeur de 0,40 €/m3.

[13] Le questionnaire a montré que les usagers ont davantage de mal à comprendre pourquoi ils devraient consentir à payer pour un bien dont ils font un usage quotidien actuellement gratuit ce qui explique la différence entre les consentements à payer des usagers et des non-usagers.

[14] Source CAS (2009).

[15] Valeurs arrondies à la dizaine.

[16] Valeurs arrondies à la dizaine.

[17] Swinton et al. (2007) proposent un modèle conceptuel des relations entre services écosystémiques et agriculture dans lequel ils intègrent des disservices pour qualifier des services à bénéfice négatif (par exemple : pollution de l’eau, nuisances olfactives, risques pour la santé, pertes de biodiversité, etc.).

[18] Le méta-programme de recherche « Eco-Serv » a été proposé en 2012 et devrait s’inscrire dans le chantier scientifique interdisciplinaire Agro-écologie de l’INRA.