Le réseau international du ministère de l'agriculture se penche sur le renouvellement des actifs agricoles pour relever les défis de la sécurité alimentaire et du changement climatique
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Depuis seize ans, les agents du ministère en charge de l'agriculture travaillant à l’international (conseillers agricoles, référents sanitaires, agents mis à disposition ou détachés dans des organisations internationales…) sont réunis annuellement à l’occasion de la conférence « Resinter » du réseau international pour réfléchir ensemble sur un thème donné. L’édition 2023 avait pour thème « Quels agriculteurs demain pour relever les défis de la sécurité alimentaire et du changement climatique ? ». L'événement a rassemblé plus de 200 personnes.
La conférence a débuté avec un exposé introductif de François Purseigle, professeur des universités à l’École nationale supérieure d’agronomie de Toulouse, auteur avec Bertrand Hervieu du livre Une agriculture sans agriculteurs paru fin 2022. François Purseigle a mis en lumière la transition profonde déjà en cours (une « révolution qui n’est pas silencieuse mais indicible ») et les défis cruciaux auxquels le secteur agricole va se trouver confronté dans les dix années à venir et au-delà : le profond renouvellement des actifs (terme plus englobant que renouvellement des générations/des agriculteurs), la diversification des modèles dont il faudra penser la coexistence, et l'adaptation aux changements climatiques et sociétaux. Il a évoqué la fin de l'agriculture « conjugale », l’augmentation du nombre de salariés agricoles et de la sous-traitance, évolutions qui transforment les conditions d’exercice des agriculteurs. Il a estimé que les projets basés sur une logique patrimoniale tendaient à prendre le pas sur les projets économiques (logique de rente). Pour François Purseigle, l’arrivée d’acteurs non issus de milieux agricoles (NIMA) ainsi que l’avènement des nouvelles technologies participent pleinement à ce renouvellement profond de l’agriculture française.
La journée a continué avec la première des deux tables rondes :« Quels agriculteurs ? : le renouvellement des actifs en agriculture »
Le panel d’intervenants, composé de membres du réseau du ministère en charge de l'agriculture à l’international, en poste dans différents pays, et de Marine Marot, responsable de la Mutualité Sociale Agricole (MSA), a abordé la situation de la France et de cinq autres zones géographiques. La table ronde a illustré la diversité des contextes : pyramides des âges très contrastées selon les pays (âge moyen très élevé par exemple en Corée et au Japon), types d’exploitations agricoles variés (agriculture familiale, entreprises agricoles de grande taille, latifundia…), dépendance plus ou moins forte aux importations et/ou aux cultures de rente, différence dans le niveau de soutien aux agriculteurs, dans l’accès au foncier, dans sa répartition entre exploitations au sein d’un même pays (parfois assez homogène ou à l’inverse foncier très inégalement distribué), dans l’accès à la main d’œuvre et au crédit, différences enfin sur la place des technologies et du numérique ou bien encore en matière de systèmes de formation et d’enseignement agricoles…
On note cependant que si la situation démographique du secteur agricole est très différente d’un pays à l’autre, le secteur agricole souffre dans beaucoup de pays d’une pénurie de main d’œuvre, en raison des phénomènes d’exodes ruraux. Les défis sont ainsi largement partagés : besoin de renforcer l’attractivité des métiers, enjeux en matière de formation/ vulgarisation/enseignement agricole, amélioration de l’accès aux investissements, au crédit, à la numérisation, et au marché, création de valeur ajoutée, et besoin de recherche agronomique. Après cette première table ronde, les participants à la conférence ont eu le privilège d’un long moment de présence à la tribune du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, dont le discours a fait la part belle aux sujets internationaux. Le ministre a été accueilli par Monique Éloit, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) et hôte de la conférence, qui a mis l’accent sur l’importance de l’approche « Une seule santé ». Le ministre a remercié l’ensemble du réseau pour sa mobilisation dans un contexte géopolitique difficile et changeant, et a abordé de nombreux sujets d’actualités parmi lesquels la vaccination contre l’Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), le changement climatique, la réciprocité des normes, la question du renouvellement des générations et, bien sûr, la diplomatie agricole, plus que jamais nécessaire : « les échanges de vue entre pays doivent être multipliés et nous-mêmes avons à des choses à apprendre des pays du Sud », a affirmé Marc Fesneau, qui s’est dit attaché à toutes les formes de coopération. Il a conclu son propos par des informations sur l’état d’avancement du Projet de pacte et de loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA). Enfin, le ministre s’est prêté au jeu des questions et réponses, concluant ainsi une séquence d’échanges d’une grande richesse avec le réseau.
La séquence de l’après-midi, était composée de deux parties :
Un exposé introductif par Philippe Mauguin , président-directeur général de INRAE*, qui a rappelé les grands défis que sont la sécurité alimentaire, le changement climatique et la perte de biodiversité et a évoqué plusieurs réponses possibles du secteur agricole pour y faire face (contribuer à l'atténuation des gaz à effet de serre, adapter l'agriculture en utilisant des leviers multiples à différentes échelles spatiales et temporelles, adapter les grandes cultures par l'éco-efficience, accélérer la transition agroécologique , mobiliser la recherche et l'innovation).
Une deuxième table ronde intitulée : « Pour quelle agriculture ? Relever les défis du changement climatique et de la sécurité alimentaire », a permis de comparer les approches et politiques du Maroc, de l'Inde, des USA et des Pays-Bas, et de connaître le point de vue des organisations internationales. Les échanges ont mis là aussi en relief que si les défis – s’adapter au changement climatique, contribuer à en réduire les impacts, préserver la biodiversité et les ressources naturelles, produire suffisamment pour nourrir une population croissante – sont largement partagés, les approches et leviers sollicités pour les relever sont différents voire divergents, de même que le niveau de priorité accordée à chacun des enjeux. Si tous les pays doivent s’adapter aux impacts du changement climatique, pour certains pays la priorité est de nourrir leur population, quand d’autres pays mettent l’accent sur la transition écologique et la décarbonation de l’agriculture, notamment pour répondre aux attentes sociétales. Certains préconisent des solutions technologiques, d’autres des approches plus globales fondées sur les pratiques agricoles. De même, certains pays privilégient les mesures incitatives quand d’autres favorisent des approches réglementaires et normatives. Les organisations internationales se penchent aussi sur le sujet et appellent notamment au ré-examen des politiques de soutien pour non seulement éviter d’éventuels effets « distorsifs » sur les marchés (position tenue de longue date) mais aussi d’éventuels externalités négatives sur l'environnement. Enfin, il ressort que la France semble être le seul pays à associer aussi directement le défi de la transition agroécologique avec celui du renouvellement générationnel.
En fin de journée, Jean-Marie Séronie, agro-économiste, membre de l’Académie d’agriculture de France, grand témoin de la journée, a synthétisé les travaux de la conférence et fait part des réflexions qu’elle lui inspirait.
Enfin Frédéric Lambert, chef du service Europe et International du ministère, a conclu la journée de conférence et d’échanges en remettant ceux-ci en perspective au regard des débats ayant lieu dans les enceintes internationales. Il a terminé en remerciant l’ensemble des participants et des intervenants, ainsi que l’animatrice de la journée, Blandine Laffargue.
* Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement
Pourquoi une conférence Resinter ?
Chaque année, la conférence Resinter a pour objectif de réunir la communauté de travail du ministère en charge de l’agriculture qui travaille, depuis la France ou à l’étranger, sur les questions européennes et internationales. Il s’agit à la fois de consolider ce réseau d’acteurs, qui est essentiel pour l’action du ministère, mais aussi d’échanger sur un sujet à enjeu pour le ministère afin d'éclairer au mieux les politiques mises en œuvre à partir de l’expertise de ce réseau. Cette conférence est précédée de réunions de travail avec une partie du réseau.
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