Mission de parangonnage sur la politique publique de l’ours brun
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La politique publique de l’ours en France mobilise des moyens importants tout en faisant l’objet d’une forte opposition locale. La mission de parangonnage a pour objet d’identifier des pays européens ayant des ours, d’analyser leur conduite de politique publique et repérer des bonnes pratiques transférables.
Rapport de mission interministérielle de conseil n°22126
Juillet 2023
Enjeux
En 1995, la France ne comptait plus que cinq ours dans les Pyrénées. Un programme de réintroduction a alors été engagé. En 2021, la population est estimée à 70 individus, ce qui ne garantit pas sa viabilité. Toutefois, malgré la mise en place d’une politique de protection pour limiter les prédations, les dégâts aux troupeaux augmentent, induisant une forte opposition des éleveurs contre la croissance de la population. Depuis 2005, cinq missions et deux plans d’actions ont formulé des recommandations pour concilier la présence de l’ours et le pastoralisme.
Un parangonnage a semblé nécessaire auprès de pays européens abritant des ours afin de voir comment sont traités le suivi de l’évolution des populations, les méthodes d’intervention, les mesures de protection des troupeaux et des biens ainsi que l’organisation et la conduite des politiques publiques.
Méthodologie
La mission interministérielle était composée de Loïc DOMBREVAL et Christian Le COZ de l’IGEDD, et de Frédéric POISSON du CGAAER.
Elle a traité deux sujets :
- L’examen de la mise en œuvre des recommandations des rapports précédents du CGEDD et du CGAAER, ainsi que de la feuille de route 2022 « ours, pastoralisme et activités de montagne » ;
- Un parangonnage sur les politiques de l’ours brun dans les Asturies, la Catalogne, la Slovénie et le Trentin. Le choix a été déterminé par la présence d’ours et d’activités d’élevage, même si aucun pays n’est totalement comparable à la France.
Résumé
La mission a analysé trois thématiques : la dynamique et le suivi des populations d’ours, les méthodes d’intervention (effarouchement, fixation, prélèvement, capture), les mesures de protection des troupeaux et des ruchers. Cette analyse a porté sur la situation en France, en Slovénie et dans trois provinces autonomes en Espagne et en Italie.
En France, la mise en œuvre des recommandations passées et des actions en cours est très satisfaisante, une grande majorité d’entre elles ayant été réalisées.
Les principaux enseignements du parangonnage sont les suivants :
La cohabitation de l’ours avec les activités humaines, en particulier agricoles, est sensible partout sans constituer forcément un sujet politique.
Les mesures de protection des troupeaux mises en œuvre s’appuient toujours sur le triptyque « bergers, chiens de protection, clôtures », selon des modalités différentes adaptées aux situations locales. Aucune autre mesure efficace n’a été identifiée.
L’effarouchement des ours ne constitue pas un sujet de crispation.
Les dégâts sur les ruches, les cultures fruitières et vivrières, et sur les ordures ménagères sont importants.
L'accès aux financements de tout ou partie des mesures peut être modulé. Il n'est pas conditionné dans tous les pays à l'engagement des éleveurs à leur mise en œuvre. Lorsque c'est prévu, l'effectivité n'a pas pu être vérifiée.
Aucun pays ne finance le salaire des bergers, qui représente une part importante du coût des mesures de protection en France.
La mise à disposition d’informations et la communication liées à l’ours sont souvent mieux réalisées dans les autres pays, ce qui renforce la confiance citoyenne vis-à-vis des institutions publiques.
Le parangonnage ne permet pas de comprendre pourquoi le nombre d’animaux d’élevage prédatés par l’ours est plus élevé dans les Pyrénées qu’ailleurs, sinon que le modèle du pastoralisme est spécifique à la France et que le nombre et la taille des troupeaux apparaissent déterminants.
Au regard de la situation dans les autres pays et en avançant une extrapolation pour la France, il est possible de tirer les enseignements suivants :
Le protocole d’intervention sur l’ours de 2006, dont la mise à jour est en cours, a été critiqué pour ses conditions d’élaboration et son absence de publication. Le nouveau protocole devrait être concerté et publié.
Les feuilles de route annuelles, dont le mode d’élaboration est peu transparent, sont insuffisamment précises, difficiles d’accès et pas évaluées.
Les Pyrénées doivent se préparer à accueillir possiblement 350 ours à l’horizon de 30 ans, avec une aire de présence en extension. En conséquence, les questions de sécurité publique pourraient devenir au moins aussi importantes que celles des dégâts.