11 avril 2017 Info +

Thierry Desvaux : « L'agro-écologie a redonné du sens à mon métier »

En sept ans, Thierry Desvaux est passé d'une agriculture intensive à une agriculture de conservation des sols productive et rentable. Une (r)évolution qui ne doit rien au hasard quand on connaît cet amoureux de la terre, passionné de voyages et curieux de tout. Portrait d'un agriculteur atypique qui a été nommé, en avril dernier, chevalier de l'ordre du Mérite agricole.

Agriculteur, globe-trotteur, passeur… Thierry est un peu tout cela à la fois. Issu d'une famille d'exploitants céréaliers de l'Yonne, le jeune étudiant en BTS Agricole a su très tôt qu'il reprendrait un jour l'affaire familiale, mais pas avant d'avoir étanché sa soif de découverte du monde. Ce qu'il ne savait pas alors, c'est qu'il déciderait, après 25 ans de métier, de modifier profondément ses pratiques...

Parcourir les sols du monde

Afrique, Inde, Népal, Amérique du Sud, Canada, États-Unis, Brésil… Pendant trois ans, à l'issue d'une mission réalisée au sein d'une ferme béninoise dans le cadre du Service national de la coopération, Thierry se lance sur les routes du monde. « Même si j'avais déjà en moi ces valeurs d'ouverture et d'altruisme, je crois vraiment qu'elles ont pris tout leur sens pendant mes voyages », précise-t-il. Pour financer son périple, il rentre régulièrement travailler en France, sur l'exploitation familiale ou dans une coopérative. Au Brésil, ses compétences agricoles sont notamment remarquées par un exploitant, qui lui propose de l'aider à s'installer. « J'ai senti cette chance d'avoir le choix de mon avenir », raconte Thierry, qui choisit finalement sa Bourgogne natale.

S'installer sur le sol familial

Thierry pose enfin son sac à dos. Pendant cinq ans, il se forge une solide expérience en tant que technicien agricole et responsable de silo d'une coopérative. En 1992, vient le moment de reprendre l'exploitation familiale. En quelques années, avec son épouse Agnès, il va considérablement l'agrandir, passant de 100 à 230 hectares (ha). Mais, au fil des années, sensible aux questions environnementales, Thierry se pose de plus en plus de questions sur ses pratiques : « Je sentais bien que mon sol s'appauvrissait, saison après saison. » Alors il se documente, suit des formations, lit beaucoup. Son engagement au sein de l'AFDI (Agriculture français développement international) lui apporte aussi un regard différent sur l'agriculture. Il ne lui manque plus que la bonne occasion pour sauter le pas...

Façonner un sol vivant

L'aventure commence avec la création de la SEP de Bord, en 2009, qui rassemble quatre exploitations voisines en un assolement commun (622 ha). « Nous avions tous une envie forte de produire autrement, et c'est le collectif qui nous a permis de prendre le risque de modifier nos pratiques », explique Thierry. Dès 2010, le virage de l'agriculture de conservation des sols est pris : absence du travail du sol, couverture permanente, allongement des rotations, cultures associées... Les débuts sont difficiles, avec des comptes qui prennent trois ans pour repasser dans le vert.

Aujourd'hui, Thierry se dit épanoui, fier de ce sol vivant dans lequel il plante régulièrement sa bêche. Il lui permet de réaliser d'importantes économies d'intrants et de carburants, et, surtout, de redonner du sens à son métier. Une expérience qu'il partage à loisir, que ce soit au sein de l'APAD (Association pour la promotion d'une agriculture durable), avec le grand public, des agriculteurs ou l'enseignement agricole. « On veut montrer qu'une agriculture fondée sur les principes de l'agro-écologie, cela fonctionne : elle peut être productive, rentable et, surtout, durable », conclue Thierry.

Thierry Desvaux en 7 dates

  • 8 mai 1959 : Naissance à Auxerre (Yonne)
  • 1983 : Tour du monde pendant 3 ans
  • 1992 : Reprise de l’exploitation familiale
  • 2009 : Création de la SEP de Bord
  • 2010 : Se lance dans l'agriculture de conservation des sols
  • 2015 : Création du GIEE projet Obélix
  • 2016 : Lauréat régional des Trophées de l'agro-écologie

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