29 mars 2016 Publication

Plan d'action pour l'eau dans les départements et régions d'outre-mer et à Saint-Martin

  • François Colas-Belcour
  • Jean-Claude Vial

Une mission interministérielle a été chargée d'une expertise préalable à l’élaboration d’un plan d’actions pour l’eau dans les départements d’outre-mer et à Saint-Martin, plan que la conférence environnementale de 2013 avait préconisé pour améliorer les infrastructures d'assainissement et d'approvisionnement en eau potable

Borne fontaine - Communauté d’agglomération de Cayenne - ©cacl-guyane.fr

Rapport de mission interministérielle de conseil n°14065 CGAAER - CGEDD - IGA

Février 2016

Mots clés : Eau, outre-mer, eau potable, assainissement, Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin, Guyane, Mayotte, Réunion

Enjeux

Le rapport interministériel d'évaluation de la politique de l'eau paru en 2013, soulignait les difficultés spécifiques dont souffrent les départements et régions d'outre-mer pour mener une politique de l'eau efficace. La conférence environnementale de 2013 soulignait la nécessité d’agir de façon spécifique dans les départements d’outre-mer pour y améliorer les infrastructures d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement. Elle préconisait l’élaboration d’un « plan DOM pluriannuel visant à améliorer la gouvernance de l’eau dans les DOM, à y renforcer l’ingénierie et à consolider le financement des projets ».

Le CGAAER, le CGEDD et l’IGA ont été chargés de conduire une expertise préalable à l’élaboration de ce plan.

Méthodologie

La mission s’est rendue dans chaque département d'outre-mer et à Saint-Martin. Elle y a rencontré les préfets et les services de l’État, les régions et les départements, les communes et intercommunalités autorités organisatrices des services d’eau et d’assainissement, les opérateurs de ces services, des représentants de la société civile (entrepreneurs, agriculteurs, consommateurs, naturalistes…), des organismes financeurs et des gestionnaires de territoires naturels.

La mission était composée de François Colas-Belcour et Jean-Claude Vial du CGAAER, Étienne Lefebvre, Emmanuel Rébeillé-Borgella et Pierre-Alain Roche du CGEDD, Maxime Tandonnet de l'IGA.

Résumé

Si chaque territoire présente de grandes spécificités, des caractéristiques communes à l'ensemble de ces territoires se distinguent.

D'abord, les contraintes géographiques (fort relief, distances entre ressources et consommation…) et climatiques (phénomènes extrêmes, cyclones, épisodes pluvieux, corrosion due au climat et aux sols) et les enjeux environnementaux (exceptionnelle biodiversité) sont particulièrement forts.

Ensuite, les besoins d’équipements sont importants. En matière d’eau potable, il s’agit davantage de pallier la vétusté des infrastructures. En matière d’assainissement, il s’agit de rattraper le déficit structurel. À Mayotte et en Guyane, la croissance démographique a conduit à un grand retard d’équipement (environ 20 % de la population ne disposerait pas d’eau potable à proximité) et elle nécessite d’anticiper des besoins nouveaux.

Les services publics de l’eau et de l’assainissement sont souvent fragiles car inégalement gouvernés, structurés (l’intercommunalité est quelquefois mouvante ou peu effective) ou organisés (les services d'ingénierie publique de l'État, qui ont été supprimés, n'ont pas été remplacés).

Les capacités financières sont insuffisantes pour faire face tant aux investissements (ils sont financés principalement par des subventions de l’Europe et de l’État) qu’au renouvellement qui peut même être omis. Cette faiblesse est d’autant plus préoccupante que l’eau est souvent aussi chère, voire davantage, que dans l’hexagone. Certains services souffrent d’impayés importants.

Enfin, les règles européennes sont exigeantes car les directives sur l’eau s’appliquent sans particularité dans ces six régions ultrapériphériques (RUP).

Cette situation a conduit la mission à considérer qu‘une part importante des services publics d’eau potable et d’assainissement connaissent aujourd’hui des difficultés qui constituent de véritables handicaps au développement social, sanitaire, économique et environnemental de ces territoires.

La mission a formulé les propositions suivantes :
- conforter les gouvernances locales des autorités organisatrices des services en privilégiant le niveau des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) par une clarification des comptes, un perfectionnement de la gestion et un meilleur encadrement des opérateurs en définissant des contrats assortis d’indicateurs de performance ;
- donner une priorité à l’amélioration des services d’eau potable : réorienter les projets d’investissements, trop tournés vers la mobilisation de nouvelles ressources, vers l’enjeu de la durabilité de ces services (connaissance des réseaux, réduction des fuites, rénovation des compteurs, gestion des pressions…) ;
- développer les services d’assainissement collectif afin de répondre aux exigences européennes en veillant à ce que la progression des équipements prenne en compte la soutenabilité financière et technique de leur fonctionnement ;
- accroître les capacités d’autofinancement des services pour bénéficier des effets de levier des prêts et subventions. Cet accroissement peut notablement résulter des priorités qui relèvent des autorités politiques locales : réduction des fuites, diminution des impayés et des prélèvements sauvages, amélioration du comptage, développement des raccordements à l’égout public proche.

La mission a également proposé de passer progressivement du système actuel de financement au coup par coup des investissements qui s'avère inadapté, à des « contrats de progrès » globaux et pluriannuels, prenant en compte, soutenabilité et performances du service, équilibre des comptes et renouvellement du patrimoine. Ces contrats réuniraient d'une part les autorités organisatrices et leurs opérateurs publics ou privés et d'autre part des « conférences régionales des bailleurs » réunissant l’État, les collectivités et les organismes financiers (Agence française de développement, Caisse des dépôts...).

En définitive, il faut développer, à partir des meilleures pratiques constatées, une culture de service de qualité rendu au moindre coût et fournir un effort de restauration du patrimoine dégradé.


S'abonner à La lettre du CGAAER