25 novembre 2015 Info +

Le colloque « Territoires et élevages » de l’Académie d’agriculture

academie-agriculture.fr

Le colloque « Territoires et élevages » de l’Académie d’agriculture

Le 13 novembre dernier l’Académie d’agriculture de France a organisé au Sénat un colloque national qui venait conclure une série de trois rencontres régionales tenues à Rennes, Clermont-Ferrand et Metz, respectivement les 17 septembre, 9 et 16 octobre 2015, sur les perspectives de développement de l’élevage français dans le contexte des nouvelles dynamiques induites par la création de grandes régions et le développement de l'intercommunalité.

Les rencontres régionales ont révélé toute l’importance de la métropolisation que consacre la nouvelle carte des régions. Les urbains vont désormais davantage peser sur les orientations agricoles régionales. La situation suscite beaucoup d’espoir sur le plan économique, mais à la condition que la cité apprenne à gouverner le rural. Elle présente aussi le risque de territoires laissés pour compte. L’état des lieux est contrasté d’une région à l’autre. En Bretagne, les habitants ont bien conscience que l’élevage est une condition vitale du maintien du tissu industriel agroalimentaire. La nouvelle région Auvergne – Rhône-Alpes fonde l’avenir sur une co-construction entre citoyens et agriculteurs pour développer les intérêts communs que partagent élevages et territoires. La région du Grand Est est pénalisée par l’abandon de l’élevage au profit des grandes cultures et un renouvellement difficile des générations d’agriculteurs, alors que le maintien de l’herbe est indispensable à la qualité de l’eau du bassin Rhin-Meuse…

La tribune du colloque national réunissait, le matin, une juriste spécialiste des documents d’urbanisme, un géographe et des économistes de l’élevage de l’IDELE et de l’INRA. La table ronde de l’après-midi, animée par le vice-président du CGAAER, était composée de René Souchon, président de la région Auvergne, de deux agriculteurs, d’une spécialiste de l’innovation sociale et du DRAAF de la région Bretagne.

Le droit rappelle que si les nouvelles dispositions prévues dans les documents d’urbanisme (PLU) constituent un rempart pour l’agriculture et l’élevage, ils ne déterminent pour autant pas la nature de l’activité agricole sur les sols, contrairement à la biodiversité qui fait l’objet d’obligations. Chaque territoire doit définir la place qui revient à l’agriculture.

La société contemporaine est traversée par une imbrication du rural et de l’urbain. L’espace périurbain couvre aujourd’hui 40 % du territoire national. Il est le lieu de conflits idéologiques entre urbains et agriculteurs sur la conception de la nature.

Les économistes constatent que les filières animales françaises sont dans la tourmente de la mondialisation et de la volatilité des cours de marché. En France les productions ont baissé (les surfaces occupées par l’élevage ont reculé d’un tiers), le taux d’autosuffisance en produits animaux a diminué et le revenu de l’élevage se situe bien en dessous de celui des productions végétales. Pourtant le volume des échanges internationaux ne cessent de croître et la demande mondiale en protéines animales de la planète est en augmentation régulière malgré le repli observé en Europe. Mais la conjoncture française est à un stade critique : un éleveur sur deux a plus de 50 ans, la confiance des consommateurs dans leur alimentation a décroché plus que chez nos voisins, l’activité à l’export ne profite pas suffisamment du bassin méditerranéen et la FCO est réapparue… L’avenir doit pouvoir compter sur les nouvelles dynamiques territoriales. Elles sont un facteur de compétitivité dès lors qu’une stratégie est établie : ajuster les coûts pour une production de masse ou privilégier une production de qualité, selon les caractéristiques naturelles des territoires ou le niveau d’industrialisation des secteurs amont (aliments du bétail) et aval (transformation, commerce…). L’économie de l’élevage doit se concevoir sur le long terme, au même rythme lent que celui de l’évolution des territoires.

En définitive, plus la globalisation est à l’œuvre, plus la territorialisation s’impose. C’est la différentiation qui permet le maintien d’une activité agricole. Et c’est l’innovation dans les productions et les modes de production au niveau local qui fonde cette différentiation.

Les différents acteurs présents à la table ronde du colloque ont apporté quelques nuances. Pour les agriculteurs, la métropole doit intégrer l’espace rural à la condition qu’elle apprenne à le gérer ; le défaut de compétitivité de l’agriculture française ne pourra se réduire qu’en acceptant le changement et en améliorant ses rapports avec la société. Pour le Président de la région Auvergne, si la gestion du FEADER par les régions est une étape importante de la territorialisation, elle n’est qu’un préalable à la gestion de la totalité des fonds agricoles européens. Quant au DRAAF de Bretagne, il a pris sa casquette de Breton. Urbains et ruraux se partagent le territoire tout en partageant la même conception de l’économie agricole pour la région : une industrie de produits sains, loyaux et marchands, mais bon marché. Tous ont bien conscience de l’importance stratégique de l’élevage. Les installations de porcs ne font pas l’objet de contestation et la production d’algues vertes diminuent depuis cinq ans. La cohésion socio-territoriale est la clé du développement économique. C’est le défaut d’entente entre les filières professionnelles qui fait du tort à la région. A cet égard, les politiques publiques auront davantage à accompagner les acteurs économiques qu’à résoudre les crises de marché.

La Présidente a conclu le colloque en invoquant l’influence de la nouvelle organisation territoriale sur l’élevage français : « Elle a revigoré le dialogue entre les acteurs économiques et les citoyens au profit de l’élevage ». Une territorialisation des idées, des projets. Une prise de conscience générale de l’impératif de la compétitivité.